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234 UNE PAGE DE LA VIE LYONNAISE Exilée pour cette fière parole, se mourant de la poitrine, renonçant plutôt à la vie qu'à Paris, elle se traînait de ville en ville, ayant à ses côtés sa belle-mère, Mme de Luynes, qui l'idolâtrait, l'appelait ma charmante et veillait sur elle en la couvant des yeux. C'était un type fort curieux que Mme de Luynes : Très originale, très primesautière, et avec cela pleine de naturel, elle avait des traits durs, irréguliers, une voix mâle ; elle mettait la plupart du temps des habits d'homme ; parfois elle endossait un costume qu'elle avait dû porter dans sa jeunesse, avant la Révolution ; elle se moquait elle-même de ce qu'elle appelait sa dégaine ; et cependant, sous cette rude enveloppe, elle ne parvenait pas à dissimuler, aux yeux du véritable observateur, cette habitude du grand monde qui lui était innée. Visitant un jour, aux halles de la Grenette, l'imprimerie de MM. Ballanche père et fils, après avoir tout examiné minutieusement, elle relève tout à coup sa robe dans ses poches, se place devant un casier et, en présence des ouvriers ébahis, elle compose une planche, très lestement, très correctement, tout en imprimant à son corps un certain balancement en usage parmi les imprimeurs à cette époque. Nous pouvons juger des charmants rapports de toutes ces dames entre elles par une lettre de Mme de Chevreuse à Mme Récamier qui lui avait envoyé des fleurs. « Je vous remercie de tout mon cœur de votre aimable attention. Je suis resté un quart d'heure durant à regarder ma jolie corbeille; ce n'est pas pour rien que j'aimais tant les lis, puisque vous deviez un jour m'en donner une cou- ronne et cela augmentera ma passion. — J'ai bien reconnu ces vers italiens que vous me disiez une fois au spectacle et