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222 UNE PAGE DE LA VIE LYONNAISE Député aux Etats généraux, il appartenait à ce petit groupe de la haute aristocratie qu'animait l'enthousiaume des idées de progrès, de réformes, de révolution sociale. Généreux entre tous, c'est sur son initiative que l'As- semblée constituante décrétait dans la nuit du 4 août l'abo- lition des privilèges de la noblesse. Trois ans plus tard il émigrait et cherchait un asile en Suisse, le plus près pos- sible de la France. Il y eut des relations suivies avec Mme de Staël, la châtelaine de Coppet. C'est là qu'il apprit la mort de son frère, l'abbé de Laval, pour lequel il avait la plus vive tendresse et dont la tête venait de tomber sous le couteau révolutionnaire. Ce fut un coup terrible pour Mathieu. Sa douleur ne connut plus de borne ; il se reprocha amèrement cette mort dont il s'accusait d'avoir été l'auteur en embrassant trop ardemment les idées de réforme sociale. En proie à cette obsession, il passa par toutes les angoisses du remords. En vain ses amis, Mme de Staël entre autres, l'entourèrent de leur plus délicate sympathie ; tous ces témoignages d'amitié furent impuissants à le calmer. La religion seule, en pénétrant dans cette âme profondément troublée, fut capable de lui rendre la paix. Il devint dès lors un aussi fervent chrétien qu'il avait été mondain passionné dans son jeune âge. Mathieu de Montmorency avait trente-cinq ans quand il entra en relations avec Mme Récamier ; sa belle figure portait encore la trace des chagrins et des luttes intérieures ; il avait les plus nobles et les plus élégantes manières; sa politesse était parfaite et tenait, avec une bienveillance un peu hautaine, les gens fort à distance. Emporté de sa nature, on sentait que le calme et la sérénité, devenus habituels chez lui, n'y étaient qu'un effort de vertu. Sa charité était