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I50                 NOTICE BIOGRAPHIQUE

phique et littéraire. Aussi l'a-t-il dédiée à son cher et
vénéré maître, l'abbé Noirot.
   La philosophie est-elle compatible avec la poésie ? ques-
tion intéressante, mais en grande partie résolue par les faits.
L'histoire littéraire vient ici en aide à la théorie. Le De
Natura rerum de Lucrèce n'est pas autre chose que le plus
brillant des poèmes philosophiques. Le poète latin avait eu
en Grèce des devanciers dans Xénophane, Parménide et
Empédocle, de même qu'il a eu, lui aussi, beaucoup d'imi-
tateurs. Lucrèce, sans doute, quand il suit pas à pas son
maître Epicure, s'égare dans des subtilités indignes de son
génie. Il est obscur et ennuyeux ; M. Hignard nous en
donne de nombreux exemples. Mais, tout à coup, un
vigoureux coup d'aile l'arrache à ces bas-fonds : des com-
paraisons, des descriptions, des digressions brillantes jettent
au milieu de ces ténèbres une éblouissante clarté et le
poète nous est rendu.
   Souvent, d'ailleurs, surtout dans la partie morale de
sa philosophie, il se rapproche davantage du stoïcisme
que de la doctrice d'Epicure. Avec quelle éloquence alors
il nous enseigne la félicité du sage, le danger des passions,
le mépris des richesses, la résignation à la mort. Même
lorsqu'il chasse du monde, comme philosophe, la providence
divine, il la ramène comme poète, quand il parle de la
terre mère de toutes choses, de la nature qui crée et gou-
verne tout.
   Sa conception de la vie est triste, son épicurisme amer
et découragé ; mais sa mélancolie est mêlée de pitié. Il est
ami de l'humanité. C'est cette tendresse d'âme qui rend si
éloquent son scepticisme même et qui est peut-être la
source la plus abondante de sa poésie.
    De cette étude de Lucrèce, M. Hignard déduit les règles