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J. TEKRAS ET C e . 291 h vue le pauvre homme. Néanmoins, la douceur de son caractère sembla persister dans sa démence même : ce fut une folie douce, innocente et humble. Il suffisait, pour le satisfaire et l'occuper tout le jour, de lui donner un peu de soie à dévider et des canettes à faire. En dehors de ce modeste travail, qu'il faisait de travers, le pauvre M. Terras demeura incapable de penser et d'agir. Sa santé se maintint, sa raison sombra tout à fait dans ce naufrage. Si quelque lueur par moment sembla surnager, elle se résuma toute entière dans le regard attendri qu'il jetait de temps en temps sur sa croix chérie. Du reste, il était mort morale- ment. Ce fut un grand chagrin pour Mme Terras. Elle avait donné a ce brave homme trop de preuves de dévouement et d'abnégation pour ne pas l'aimer un peu. Nélida, qui était bonne, et pour laquelle il s'était toujours montré aussi tendre qu'un père, fut profondément affectée. Quant a la marquise, ce ne fut pour elle qu'un contre-temps, mais bien fâcheux. Elle allait* dès lors, pour en venir à ses fins, se trouver en face de la seule Mme Terras, c'est-à -dire d'une volonté à peu près inexpugnable et sans autre soutien que l'exaltation compliquée de mollesse et de contradictions qui travaillait la tète et le cœur de Nélida. La marquise ne perdit point courage. Elle comprit seu- lement qu'il fallait redoubler de ruse et employer l'audace au besoin. ** Grâce à des renseignements obtenus par une voie dé- tournée mais sûre, la marquise savait que dès longtemps les époux Terras s'étaient fait une donation générale et réciproque, au dernier vivant, de tous les biens acquis en commun. Aucune disposition particulière n'avait jamais été