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280 J. TERIUS ET Ce. jeure et n'était point mariée, parce que son éducation avait un peu traîné en longueur. Cen'éiaitpoint la faute du Sacré- Cœur, où l'enfant avait été élevée. Le Sacré-Cœur avait fait son possible, mais, franchement, l'intelligence de Nélida n'était point à la hauteur de sa fortune, ni même de sa per- sonne. C'était en effet une assez jolie blonde, au teint éblouis- sant, aux traits réguliers, a l'œil bleu indécis, le tout du reste manquant un peu d'expression. Si l'esprit, chez Nélida, était un peu en retard, il en était autrement de la tête et du cœur: elle était sentimentale et romanesque endiablé. C'est qu'elle avait travaillé toute seule, pendant ses vacances trop peu surveillées et depuis sa sortie de pension, a compléter son éducation par la lecture des romans. Cette éducation, qui préoccupait tardivement son bon oncle, était donc faite et mal faite, ces lectures étant d'autant plus dangereuses aux imaginations vives, lorsque l'intelligence laisse à désirer. Aussi avaient-elles jeté dans rame et surtout dans la tête de la pauvre Nélida beaucoup d'incohérences et d'exaltations. Comment Mme Terras, cette femme au sens droit et positif, avait-elle laissé sa nièce s'engager dans cette voie périlleuse de la chasse aux chimères et à l'idéal? Cette tante affairée n'avait pas eu le temps d'éplucher beaucoup la nourriture intellectuelle et morale de la jeune fille. Elle et son mari ne s'étaient guère occupés jusque-là de cette enfant que pour la gâter et lui passer toutes ses volontés, la sachant assez riche pour faire, malgré tout, un beau chemin dans le monde. Quant aux romans, Mme Terras les avait toujours considérés comme d'innocentes babioles et de plus , a son gré, fort ennuyeuses , n'ayant jamais pu, dans les rares ten- tatives qu'elle avait faites, lire huit pages du plus intéres- sant sans bâiller à plaisir. Trouvant donc les romans sans autre action sur elle-même, elle les jugeait sans danger pour personne, comprenant peu le goût de sa nièce pour