page suivante »
J. TERRAS ET C e . 275 chement dans sa chevalerie toute neuve, se faisant tout un manteau de son léger ruban. Certes le vieux fabricant était trop jeune chevalier et trop fraîchement descendu de la Croix-Rousse pour nourrir le projet insensé de se faire accepter, si peu que cela fût, comme gentilhomme. On n'avait pas moins d'aïeux que Jé- rôme, el le temps lui manquait pour s'en faire. S'il avait eu un fils, a la "bonne heure; celui-là , avec le temps et les écus de monsieur son père, en grattant un peu le nom, bien entendu, celui-là , dis-je, eût pu prétendre à s'anoblir, sans trop faire crier les gens de bonne volonté. Or, M. Terras, en fait d'héritier, n'avait qu'une nièce; il fallait se régler Fa-dessus, et la marche était simple. Se frotter le plus pos- sible à ce monde aristocratique, où l'on ne pouvait entrer en personne ; y trouver pour son compte un peu de tolérance, en faveur de la nièce merveilleuse; et se garder d'effarou- cher les échantillons de noblesse qui, d'avenlure, hasar- daient leur nez dans la maison. Je dis leur nez et j'y tiens : s'ils venaient là , c'était bien pour flairer quelque chose. Les millions sont moins roturiers que les millionnaires. La no- blesse et l'argent eurent toujours l'un pour l'autre une attrac- tion positive; comme les fluides de nature contraire, ils sont faits pour s'entendre. S'ils se décrient, ne les croyez qu'à demi : c'est qu'ils n'ont pas su s'engluer réciproquement. Au fond, ils ne demandent pas mieux. S'il faut en juger par le savoir faire et l'adresse que M. Terras sut déployer dans ces manœuvres délicates, lui qui, en fait de négoce, n'était habile que du chef de son épouse, on peut croire que le bon Jérôme était né par erreur dans ce milieu plébéien et fait pour un monde meilleur. Il comprit a merveille quel puissant trait d'union créait, entre lui et l'autre caste, l'existence de cette enfant. A vrai dire, le trait d'union était entre la caisse et la caste ; car, pour