page suivante »
288 3. TERRAS ET G». Un vrai trésor que cette enfant, pensait Mme de Chalen- drèse ; il faut tirer parti de ces belles dispositions. — Hélas! chère mignonne, lui disait-elle, en prenant dans les siennes ses petites mains, comme pour y chercher le demi-million qu'elle y savait inclus, ce sont l'a les illu- sions d'une belle âme et d'un cœur généreux ; vous avez la véritable noblesse, vous ; mais il est d'autres considérations avec lesquelles il faudra compter. Si celui que vous choi- sirez n'a que son cœur à offrir, qui sait si vos bons pa- rents.... — Je crains, en effet, qu'ils ne soient plus exigeants que moi sur ce point. — Vous voyez bien, chère enfant... Que faire alors ? — Mon devoir, Madame la marquise, mon devoir... Je saurais m'immoler au besoin... — Sotte! pensait la mar- quise, c'est nous que tu immolerais !... C'est que cette Nélida était une étrange sorte de petite fille ; elle avait sur l'amour des idées fort bizarres. A bien prendre, ce n'était pas l'amoureux mais l'amour qu'elle aimait, et cet amour il le lui fallait avec tous les condiments, tous les raffinements que peut rêver le cerveau de l'inno- cence dans une ébullition absurde. Amour banal a son gré celui qui trop vite triomphe. Elle voulait un amour traversé, froissé, foulé, mais toujours radieux comme le soleil, même quand il est voilé aux yeux du vulgaire. En un mot, elle voulait souffrir dans son amour; elle.ne le comprenait pas autrement. Quels diables de romans avait-elle donc lus ? Elle voulait être victime, persécutée, résignée à la surface, immuable au fond, immolée au besoin. Oui, elle avait un goût prononcé pour l'immolation et le sacrifice. C'était pour elle la consécration de l'amour pur, l'épuration par le creuset de la souffrance. Drôle de petite cervelle naïve et déréglée ! Le consentement trop facile de ses parents eût,