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286 J. TERRAS ET C e . d'imagination dans sa petite lête, Nélida avait reconnu du premier-coup, dans ce joli jeune homme, son idéal du Sacré- Cœur, où chacun a le sien, comme on sait, quoique ou plu- tôt parce que sévèrement interdit. Elle ne l'avait pas rêvé marquis, c'était par-dessus le marché, et cela ne peut nuire; mais c'était bien lui qu'elle avait entrevu pour la première fois, dès son entrée dans la première classe, celle où il est le plus défendu de s'occuper d'amour, sans doute parce que c'est celle où l'on commence à se douter de ce que c'est. Elle avait eu le temps, depuis deux ans qu'elle était sortie de la première classe, de beaucoup revoir, corriger et raffiner cet idéal. N'importe, quand elle se trouva en présence de Gaston, il se trouva tout de suite que c'était lui. Ce n'était pas plus lui qu'un autre, je vous assure, c'est si vague un idéal, mal- gré ou plutôt à cause des retouches, Seulement, le réalisme n'étant pas admis au couvent, dès que la fiction put pren- dre un corps acceptable, l'imagination s'en saisit bien vite, et Gaston après tout n'était pas indigne de l'emploi. Le petit cœur de Nélida, qui chassait purement d'instinct, crut faci- lement être tombé sur l'objet de ses rêves ; il n'en avait en- core trouvé que l'aliment plus substantiel dans sa réalité. Et Gaston l'aimait-ii ? Il faut distinguer. Il y eut dès lors deux Gaston fort différents. Le vrai qui fut aimable, em- pressé, distingué, mais un peu cousu dans sa noblesse et parfois même un peu distrait auprès de Nélida. Il avait l'air, en ces instants, de chercher quelque chose derrière elle : c'était peut-être la caisse dont sa maman lui avait fait des récits fabuleux. Enfin, on voit d'ici l'amour raisonnable et raisonné de mon petit marquis. L'autre Gaston, celui de Nélida, c'était un peu mieux, je vous jure. Le marquis ne fournissait guère ici que la forme, laquelle en vérité ne man- quait pas de séduction. Mais le fond tout entier était une création de la jeune enthousiaste, affublée par elle de tout