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1. TERRAS EX C". 277 quelques doutes sur la sincérité de l'aunage. Hâtons-nous de le dire, l'honnête Jérôme n'était point dans ce cas; son au - nage fut toujours pur mais cet appétit de noblesse? Eh î pourquoi trouver étonnant que ces bons parvenus soient affamés de la seule chose qui leur manque? Et n'est-ce pas toujours ainsi que moins on la puisse avoir et plus on la désire?... Leur erreur est de croire qu'on la puisse ache- ter a beaux deniers comptants ; et c'est la que leur flair de marchands les abandonne tout à fait, car ils paient fort bien et ne reçoivent pas la marchandise. A ce compte, il vaut mieux, sans bourse délier, tâcher de la voler s'il se peut. C'est moins cher et l'on a même chance de réussir a la gar- der. A ceux qui n'ont pas d'autre vol sur la conscience je donne, quant à moi, bien volontiers l'absolution. Au reste, si l'on rit dés acheteurs, que penser des vendeurs ? Qui donc leur achèterait si ce n'est ceux qui peuvent mettre le prix â la chose? Il faut bien que tout le monde vive, même les no- bles qui n'ont pas de quoi vivre. Enfin, si l'on n'a pas le temps ou le moyen de s'anoblir soi-même, que l'on ait au moins la consolation d'introduire sa descendance dans le cénacle. Les mésalliances nivelées par le prestige des écus ne sont pas les pires spéculations ; il n'en est pas aujour- d'hui qui soient plus innocentes, malheureusement. Voilà pourquoi M. Jérôme Terras avait conçu l'idée fort naturelle de faire de sa nièce au moins une marquise. Il ne s'agissait que de trouver un marquis et d'y mettre le prix. Quant à Fanny Bouchut, l'ex-tordeuse, sa tête solide ne tournait point ainsi au vent de la prospérité. Elle se savait peu noble et n'avait nulle envie de le devenir, connaissant trop bien toute espèce d'étoffe pour ne savoir ce qu'en vaut l'aune. Oa pouvait lui jeter de cette poudre aux yeux sans les faire cligner ; son esprit positif voyait clairement le côté ridicule de ces aspirations.