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254      UN MYSTÈBE DANS LES MONTAGNES DU FOREZ.

très, filles et garçons se poussent du coude, et les vieux
des premières de dire : Bonjour , Monsieur Béranger et la
Comédie!
   Trois heures durant, Notre-Seigneur Jésus-Christ naissait,
se sauvait en Egypte, prêchait et faisait sa Passion, au bruit
du tonnerre (tôle à pâtisserie de l'auberge fortement agitée)
et au feu des éclairs (étoupes brûlées).
   Comme on écoutait Pilâtre et ses soldats dont on voyait
les dents s'entre-choquer; saint Pierre pleurait (et les
femmes aussi); les Juifs se fendaient.la bouche de rire. On
entendait ies coups de marteaux clouant les larrons sur
leurs croix! Les marionnettes de la Comédie étaient, ma foi,
bien éloquentes. Je me rappelle encore le cruel Hérode dé-
bitant en alexandrins (Dieu sait lesquels) :
      Moi trembler ! si le ciel me déclaroit la guerre,
      J e l a lui soutiendrois ! . . . . . . . - . . .

   Mais on s'en souvient au pays bien mieux que moi, et l'on
a gardé manuscrits les Mystères joués par M. Béranger et
copiés par M. Bergeron, tant soit peu poète, comme il dit
lui-même. Ce digne barbier de Saint-Haon-le-Vieux, en-
flammé d'inspiration en écoutant la Comédie, suivit la troupe,
épargnant à Maria et le tambour et les habits de garçon. Il
devint bientôt habile; son heureuse mémoire retint tout le
répertoire, et bien cela servit à M. Béranger ; car, surprise
par l'hiver de 1830 en pays de montagnes,la troupe dut va-
rier ses représentations pour assurer la vie de la Comédie,
et comme on ne savait le libretto que par tradition, le jeune
acteur en fit une copie où il a tâché d'imiter la prononcia-
tion du vieux français transmis de bouche en bouche.
   Nous en avons extrait la Naissance de Notre-Seigneur ;
tout en respectant scrupuleusement la naïveté du dialogue,
nous avons essayé avec discrétion de rétablir un peu l'or-