page suivante »
ALEXIS DE JUSSIEU. 209 par ses méditations philosophiques, il voulait que la poe'sie lui payât aussi son tribut, et il écrivit en vers un Chant ad- ditionnel au Parada perdu. Le titre parait ambitieux : comment se croire le droit de compléter l'œuvre immortelle qui fait l'orgueil de l'Angle- terre? Mais quand on a lu ce charmant essai, on juge que le génie si sombre et h la fois si attrayant du poète épique de la Grande-Bretagne n'eût pas dédaigné d'accorder un sourire a son gracieux continuateur. On ne peut trouver des fleurs plus parfumées, des couleurs plus délicates que ce délicieux tableau de la nature vierge encore et si resplendis- sante même après les jours de l'Eden. L'idée de cet épisode des temps primitifs appartient bien plus aux riantes fictions de la poésie qu'à la sévérité des dé- finitions théologiques, mais elle a paru à tous aussi ingé- nieuse que touchante. L'auteur raconte que nos premiers parents, chassés pour leur désobéissance du Paradis ter- restre, se promenaient dans le domaine mortel, dont leurs sueurs devaient désormais acheter l'empire, et s:y conso- laient par la prière au Très-Haut, t'attente du Rédempteur et les douceurs de leur mutuelle tendresse. Il leur restait la foi, l'espérance et l'amour. C'était pres- que le Paradis retrouvé, aussi Satan, jaloux de cette félicité renaissante, indigné de voir son récent triomphe frappé d'une stérilité inattendue, envoie le plus séduisant de ses anges pour rompre cette union conjugale, semer la discorde et ramener le désespoir. Le messager infernal est chargé d'oftrir séparément à cha- cun des époux de rentrer en grâce auprès de l'Eternel en sacrifiant le compagnon de sa vie. La double tentative échoue : la force et la grâce restent également fidèles. Point de gloire sans elle, s'est écrié l'un ; point de bonheur sans lui, a mur- muré l'autre. Alessiel (c'est le nom de l'ange) est ému lui- 14