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                              TIC-TAC.                            67
sommier à la couche aérienne. Les flocons de laine laissés par
les brebis aux ronces du chemin, les poils que les bœufs s'arra-
chent en frottant leurs ûancs osseux contre les arbres, le lin
échappé à la quenouille des fileuses, les plumes tombées du
colombier, le duvet errant des chicorées et des chardons, le ve-
lours brun de ces roseaux dont la fleur ressemble à une fusée
grêle, tout ce qui est flexible, chaud, doux, moelleux, sert aux
oisillons pour achever et assouplir le berceau de leur future fa-
mille.
    Parfois une rapide caresse interrompt le travail. Parfois, le
gros ouvrage fini, le mâle laisse à sa compagne les soins plus dé-
licats de l'aménagement intérieur, et perché sur les branches
voisines, l'encourage de ses chants. Quels que soient son plu-
mage et ses formes , grimpereau , fauvette ou rossignol, il est
vraiment beau alors..... Debout sur un pied, l'Å“il au ciel comme
s'il y cherchait l'inspiration, il prélude par un gazouillement in-
certain comme les sons d'une lyre que l'on accorde... il essaye ;
il s'écoute      Puis il s'anime par degrés... et frémissant, le plu-
mage gonflé, il s'enivre, il éclate, et fait ruisseler ses gammes
perlées. À chaque modulation il tressaille du bec au bout des
ailes ; il chante de tout son corps. Ce n'est plus un oiseau, c'est
un artiste, un poète......       un instrument de musique qui vi-
bre sous la puissante inspiration de l'amour.
   La femelle, de temps en temps, s'arrête, et prend plaisir à
cette mélodie qu'elle comprend. Mais les soucis de la mère l'em-
portent sur les ravissements de l'amante, et la voilà, battant de
ses mignonnes ailes, menaçant de son bec inoffensif qui gour-
mande la paresse du troubadour insouciant dont l'imagination
plane parfois trop au-dessus du nid et de la réalité.

  Au vieux moulin, accoudée sur l'appui de la fenêtre, Henriette,
pensive, regarde
  La tenue de la chambrette est un peu négligée. La poussière
blanchit les touches noires et ternit les touches blanches du
piano ouvert. Albums, livres, chiffons, lettres et broderies com-
mencées traînent en désordre sur les chaises.. Si l'on touchait