page suivante »
DIVAGATIONS. 547 à l'aspect de villes défendues par des ouvrages humains, dans les déserts sablonneux de l'Afrique, sous des cieux nuageux et sombres. Là , rien ne séduit la vue, rien ne rappelle les pures jouissances de la vie ou les bontés de Dieu. Mais , en face d'une magnifique nature dans un jour de printemps, près des champs parsemés de blé en fleurs et de ruisseaux limpi- des gazouillant sur de vertes pelouses, sous un céleste azur où resplendit le sublime géant de lumière et de chaleur qui vivifie tout, oh!alors, je ne saurais concevoir ces luttes mor- telles de la haine dans des lieux où tout semble respirer l'amour et nous rattacher à l'existence. Le beau temps avec une bataille me paraît une horrible anomalie, une atroce et sanglante contradiction. Eh! malheureux, attendez donc que les éléments conjurés se livrent la guerre ; pour vous mettre en harmonie avec eux , attendez que la foudre roule dans l'étendue, unissant son bruit majestueux aux lugubres déto- nations de vos armes, et que le tonnerre éclatant sur vos têtes coupables, ajoute quelques victimes foudroyées à toutes cel- les qu'entassent vos féroces mêlées. Attendez que l'hiver ail desséché les campagnes, dépouillé les champs de leur verdure, qu'il ait étendu son voile de fri- mas sur les plaines arides, pour vous livrer à ces luttes affreu- ses qui contrasteraient moins alors avec la terredésolée qui en deviendrait le lugubre théâtre. Le champ de bataille d'Eylau qu'on a dit d'un si navrant aspect, avec ses cadavres gisants sur la neige, ses blessés agonisants sur la glace, me paraît moins horrible à contempler que s'il eût offert des guerriers expirants sur des fleurs, aux cajoleries d'un ciel serein et au sein des grâces du monde vivifié par le printemps. A tous ces chants néfastes qui font marcher les soldats aux combats, à ces hymnes lugubres qui les encouragent aux