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830 IDÉAL DE LA GLOIRE,
« peut reconquérir des troupeaux, des trépieds et des
« coursiers à la crinière d'or, mais il n'est pas en notre
« pouvoir de contraindre notre âme à venir nous ra-
te nimer, quand une fois elle a passé nos lèvres. Thétis,
« ma mère, déesse des flots, m'a dit que les Parques
« me laissaient le choix de deux routes pour arriver au
« trépas. Si je demeure ici et combats autour de Troie,
« je perds tout espoir de retour, mais je remporte une
« gloire immortelle. Si je rentre dans mes foyers, privé
« de tant de gloire, je dois jouir d'une longue suite de
« jours, et ne pas arriver en peu d'instants au terme
« de ma carrière. »
Entre ces deux routes que lui offrait le destin, Achille
cessa bientôt d'hésiter ; il épousa la mort pour gagner
l'immortalité de sa mémoire.
Oh! divin Homère! tu avais bien conçu l'idéal de la
gloire !
Il y a dans l'Océan atlantique un îlot perdu entre
l'Amérique et le Continent africain. Cet îlot, formé de
rochers nus et sinistres, immania saoca, vit, dans le pre-
mier quart de ce siècle, errer à sa surface un homme
habillé comme un colon de Maurice ou du Cap, mais qui
revêtait quelquefois un uniforme flétri, et ceignait une
épée dont il serrait convulsivement la garde. Cet homme.
au profil antique, au regard foudroyant, aux traits em-
preints de douleurs, avait, pendant quinze ans, tenu.le
monde dans sa main, el vu ramper à ses pieds tous les
potentats. Puissance sans borne, richesse sans mesure,
génie merveilleux, adoration universelle, il avait tout
connu et tou,t savouré. Puis, après avoir tari jusqu'à la
dernière goutte la mamelle de la fortune il avait vidé