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BEAUX-ARTS. UN TABLEAU DE RIDERA A MONTLUEL. — C'est un service rendu aux experts en bonne peinture que de leur signaler une toile de grand maître, demeurée à 1 écart dans quelque canton peu fréquenté ; un Ribera, par exemple, vaut la peine d'un déplacement et les frais d'un petit voyage à vingt-huit kilomètres de Lyon. Notre indi- cation, toutefois, est sujette à la réserve imposée par la loi des brevets; elle est sincère, mais s. g. d. g. Si le Ribera n'était qu'une croûte, le touriste n'aurait pas le droit de se plaindre, car il lui est offert d'avance une compensation certaine à ses fatigues dans le plaisir d'em- brasser d'un coup d'œil un des plus beaux paysages de la vallée du Rhône. Sur le plateau où était assis le vieux Monloël, se trouve un cimetière auquel on parvient par des chemins en lacet assez pratica-bles, puis par un escalier rude mais d'un pitto- resque achevé. Les Turcs n'auraient pas mieux choisi le champ du repos. La mort y semble moins effrayante, car tout y est frais et disposé pour le plaisir des survivants. Dans ce cimetière, où ne repose pas Dumolard, qu'on a enfoui à la porte sous un tas de pierres, s'élève une chapelle érigée sous le vocable de saint Barthélémy, en 1289, par Humbert IV et Aloyse de la Tour, sa femme. Cet édifice, qui a succédé à un autre plus ancien et tombé en ruines, a été l'objet des prédilections de tous les comtes de Montluel, entre autres de Marguerite d'Autriche, veuve de Philibert II, dit le Beau, duc de Savoie, qui fit don à l'église d'un grand tableau. C'est probablement pour remplacer cette toile détruite ou perdue qu'un des seigneurs subséquents, peut-être le grand Condé, fit placer derrière le grand autel une œuvre de l'Es- pagnolet, Joseph Ribera. Ce peintre avait l'amour des sujets terribles et pleins d'horreur: il excellait à reproduire les scènes de supplice. Le tableau qu'on lui attribue à Montluel est le martyre de saint Barthélémy. Le personnage du saint martyr est traité de main de maître; la morbidesse des chairs trahit l'école espagnole; mais le bourreau et ses aides sont dus à des élèves ou à un peintre médio.cre. On prétend qu'une restauration maladroite les a défigurés. En pareille matière, il doit être fait appel au juge compétent. (Salut Public).