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408                     ORIGINES DE LUGDUNUM.

De fluviis, que j'aime à prendre en flagrant délit de vérité, nous
a conservé l'histoire de cette éponymie, « Le bel Arar, dit-il,
trouva dans une forêt son frère Celtibère tué par un sanglier.
Désespéré de cette mort funeste, le jeune chasseur se précipita,
en se perçant de son gais, dans le Brigulus, auquel depuis on
donna son nom. »
   Cette vieille légende a tous les caractères du mythe antique.
Sauf de légères variantes, c'est l'histoire du beau chasseur grec
iEsarus ( A I 2 - A P O Z ) . De même que son homonyme Arus ou
Arar, jEsarus se noie dans un lac ou fleuve de la Thessalie, et
doit à cette circonstance l'honneur de devenir le dieu de tous
les cours d'eau de son nom, qui arrosent le nord-est de la Hel-
lade (<1).
   Sauf quelques autres différences au fond peu importantes, la
 légende d'Arus répète également le vieux thème pélasgique
de Melkarth. LH'ercule phénicien, devenu clans la bouche mélo-
dieuse des Hellènes l'enfant Mélicertc (Mzliy.spztiç), tombe, ou,
selon plusieurs mythographes, est jeté dans les flots par Ino,
sa mère. Un dauphin porta son corps sur le rivage de Corinthe.
Mis au rang des dieux, les Grecs l'adorèrent sous le nom de
Palémon « luttant contre les vagues, » les Latins sous celui de
Portumnus, « entrant dans les ports (2). » Mélicerte était fa-
vorable aux navires, et les marins de l'Egée attribuaient à son
influence les traversées paisibles et les heureux abords.
   Examiné philologiquement, le nom d'Arus mène à des simili-
tudes aussi frappantes. Comme l'élément qui le constitue ne s'est
maintenu dans les idiomes néo-gaulois qu'à l'état de construc-
tion, il est nécessaire d'interroger celles des langues indo-eu-


  (1) M. de Witte, Kev. ISumism., 1839, p. 413.— Suivant M. de Witte,
iEsarus est le même que Msar, (lieu suprême des Etrusques, et l'un et
l'autre dérivent du grec Attfa, destin. Il serait plus vrai de dire que ces
noms Aï<7a, ./Esarus, jEsar, et le pluriel srandinave /Esir, les dieux réunis,
ont une origine commune, le sasc. as, être, exister par soi-même.
  (2) n«Aàt/*wv, Palémon, était aussi l'un des surnoms d'Hercule chez
les Grecs.