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 DEUX ITINÉRAIRES DANS LES ALPES




   J.-J. Rousseau a dit dans ses Confessions qu'il considérait
comme les jours les plus complètement heureux de sa vie
ceux qu'il passa a voyager pédestrement dans sa jeunesse.
Je partage sincèrement son avis, et je tiens ce genre de
voyage pour la source d'une des plus vives jouissances qu'il
soit donné a l'homme de goûter. Le voyage pédestre en
général, et en particulier dans les montagnes, offre des at-
traits irrésistibles a quiconque l'a pratiqué. Tout homme qui,
à la passion de voir, joint le don d'une constitution vigoureuse
ne se lasse jamais de ce plaisir salutaire. Chaque année,
quand reviennent les beaux soleils, il éprouve l'impérieux
besoin de s'arracher aux vulgaires préoccupations de la vie
pour se retremper dans l'air libre et pur des montagnes, et
rendre a ses membres alourdis par un long repos, le ressort
et l'élasticité qu'ils ont perdus.
   Après quelques jours de marche et d'ascension dans les
Alpes, vous sentez en vous une sève nouvelle, un sang ra-
jeuni, un «œur dilaté : votre âme reverdit, vos idées s'épu-
rent ; il se fait enfin dans tout votre être une transformation
indicible.
   Il manque au catalogue des Dieux et des Déesses qui peu-
plaient autrefois l'univers et l'Olympe, une divinité qui
pourtant mérite l'encens de tous les hommes voués à un tra-
vail sédentaire ; cette divinité est la déesse Fatigue.