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                              CHRONIQUE.



    La remarquable composition de notre troupe lyrique prouve les bonnes
 intentions de notre directeur, M. Duplan. Il tente à cette heure une expérience
 dont nous redoutons les conséquences pour les intérêts de son entreprise. Vou-
loir jouer le grand opéra quatre à cinq fois par semaine présente, selon nous, un
 double inconvénient : c'est, d'une part, s'imposer des frais énormes que de
 doubler les chefs d'emploi, et de l'autre, risquer de blaser bien vite le public
sur le répertoire trop restreint du grand opéra. Nous faisons abstraction ici des
rivalités d'amour-propre que nous ne voulons pas supposer devoir entraver
jamais la marche des spectacles. Nos deux ténors s'aimeront comme Castor et
Pollux, et noire public sera sans passion, sans coterie. Mais ne pensez-vous pas
 qu'en faisant tant de sacrifices pour un genre ce ne soit un peu au préjudice des
 autres, et qu'au lieu de se servir mutuellement, de se faire valoir en frères, ils
ne soient absorbés et annihilés complètement par le grand opéra ? Ne craignez-
vous pas que, d'un autre côté, la satiété n'engendre le dégoût? Car, comme
nous l'a dit un fabuliste :

                   L e n n u i naquit un jour de l'uniformité.

     Servez du faisan à chacun des repas du plus fin gourmet, il finira par de-
mander grâce et se jelera avec bonheur sur le plus vulgaire morceau. Le public
est comme ce gourmet. Si vous lui donnez chaque jour vos plus beaux ouvrages,
il vous criera grâce aussi, et se mettra à regretter quelques mélodies de ce pau-
vre opéra comique qui n'a presque plus d'interprètes, depuis que, pour chanter
le drame lyrique, il suffit de deux ou trois notes de poitrine.
    La réaction que Lucrèce vient de produire en littérature se propagera jusqu'à
la scène lyrique. Le public éprouvera bientôt, vous le verrez, le besoin de se
reposer de tout ce bruit, de tous ces efforts, de toutes ces luttes. Le calme naît
de l'orage. Après la tempête, quelques fraîches brises font tant de bien.
    Que nos trois genres se fassent donc valoir l'un par l'autre! Mais que devient
le ballet ? Et la comédie, quels ou\ rages nouveaux nous montc-t-elle ? C'est fort
bien de reprendre Molière e t R e g n a r d , mais laissez en paix Kotzebue avec sa
Misanthropie et Desforges avec sa Femme Jalouse. L'art et le caissier n'ont rien
à attendre de pareilles œuvres. Du nouveau, s'il vous plaît, du nouveau !
    Notre seconde scène se débat dans le vide avec l'immoralité ou la niaiserie
de ses tableaux. Nos auteurs se traînent dans une voie déplorable et pour l'ad-
ministration obligée d'alimenter son répertoire avec des ouvrages de la force
de Bertrand l'Horloger, d'Entre Ciel et Terre et de Hrulus, et pour la foule
obligée de les subir ou de demander le rideau des les premières scènes comme
cela est arrivé pour ce pauvre Père Job. Le vaudeville est en pleine décadence,
il se meurt, il est mort. 11 y aurait un long chapitre à faire au sujet de l'influence
délétère qu'ont exercée sur leur époque Avnal, Déjazet et Musard.




    On sait que les Frères de la doctrine chrétienne ont cédé à la Ville la
belle parure romaine du temps de l'empereur Commode, qu'ils avaient décou-
verte en creusant les fondations de leur maison, et cela en échange d'une faible