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myriades de poètes que chaque printemps voit éclore et pren- dre leur volée! Du reste, ne demandez pas dans quelle société, sous quelle discipline, l'homme de génie s'est développé. Développé esl joli! développé! lui? C'est un fait sans loi, un effet sans cause, il est sorti tout armé du cerveau de Jupiter, comment vous dirai-je encore? Il esl de la famille de ces arbres sans semence dont parle le poète Ialin, ou, s'il en a une, on peut la jeter indifféremment dans la terre, dans la cendre, sur les ro- chers tout nus : elle ne manquera pas de germer et de pros- pérer dans un cas comme dans l'autre. Ces idées sont extrêmement naïves, il faut l'avouer. Elles rappellent les époques où l'homme regardait comme anorma- les toutes les choses extraordinaires, où il attribuait immédia- tement à la divinité tout ce qui le dépassait un peu, et l'on ne croirait pas, si on ne le voyait, qu'elles fussent encore en cir- culation par le lemps qui court. Hommes de génie et hommes du conr.nun, hommes à gran- des facultés et hommes à petites facultés, nous sommes tous égaux devant la loi des circonstances, tous indistinctement nous courbons la tête sous i'empire souverain des temps et des lieux. Philosophes et hommes d'état, peintres et littérateurs ne sont quodes incarnations plus ou moins parfaites de l'esprit de leur époque et de leur pays, des expressions diverses d'une seule et même idée, et, pour s'assurer qu'on l'a bien comprise, il est bon de la lire à la fois sur le papier et sur la toile, sur les flancs de pierre des monuments et sur le front de marbre des statues. Telie est précisément la marche de M. Reynaud. Pour apprécier une œuvre littéraire, il cherche à se rendre compte des moeurs privées, des institutions politiques, des institutions religieuses, des oeuvres d'art qui existaient déjà ou qui se produisirent dans le même temps, et, réunissant toutes ces choses comme autant de foyers lumineux, il les