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par le chagrin. Leur silence, leur pieux repos, le détache- ment des. a flaires mondaines, les taisait ressembler à des îles jetées au milieu de la turbulente mer de la société, cl le cœur brisé par la fortune, — terme honnête sous le- quel on voile la déloyauté, l'ingratitude des hommes, — y cherchait et souvent y trouvait le baume de l'oubli. Entre les quelques incidents de ma vie, il en est un qui ne s'ef- facera jamais de ma mémoire: ce sont les huit jours que je voulus passer dans un monastère. Sa situation sous un ciel incomparable, cet aspect d'une nature champêtre et mon- tagneuse où l'agrément s'unissait à la fécondité, contribuèrent sans doute à me rendre le calme que j'étais venu demander au couvent. Mais, sous ces portiques silencieux, à travers ces longs corridors fuyanls, et qui n'étaient peuples que de personnes différentes en apparence de celles que nous sommes habitués à rencontrer dans le monde, toujours me reve- nait en pensée Dante Alighieri, alors que, errant comme moi, ayant laissé toute chose le plus tendrement aimée, courroucé contre sa patrie et contre ses compagnons d'in- fortune, il alla s'asseoir dans un cloître du diocèse de Luni, et se prit à méditer. I n Frère qui le vit rester si long- temps absoibé dans ses réflexions, s'approcha de lui, et lui dit: « Que voulez-vous? que cherchez-vous, bon hom- me? » — « La paix, » répondit-il. C'était aussi le désir de la paix qui amenait Buonvicino sous le vestibule où un toit protégeait les bancs de pierre disposés pour les pauvres qui, en grand nombre, surtout dans la famine d'alors, venaient chercher les soupes qu'on y distribuait chaque jour, à midi. Sur les parois latérales se voyait l'histoire vraie ou fabuleuse de l'institution des Humiliés, et celui qui maintenant admire clans ce Palais les chefs-d'œuvre des artistes anciens et modernes, aurait bien de la peine à se figurer de quelle grossière façon étaient