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Non, la statue du fondateur de La Marlinière ne doit point décorer une place publique. Le débat, pour nous, devrait être clos ; en écrivant notre article en 1841, nous obéissions à un devoir consciencieux et, ce devoir rempli, nous devrions laisser aux événements leur cours naturel, aux résolutions prises leur exécution. Pourquoi donc rentrons-nous dans la lice? Parce que nous regardons comme une nécessité de ramener à notre opinion le conseil de nos édiles; parce que de nouveaux documents nous ont été fournis et qu'il peut résulter de leur appréciation une conviction plus profonde. D'ailleurs, dans notre premier article, nous avons rai- sonné presqu'en thèse générale, en soutenant et en prouvant qu'une ovation publique, impérissable, ne pouvait être ache- tée à prix d'argent; et maintenant, prenant le général anglais corps à corps, et lui faisant l'application rigoureuse, éner- gique de ce principe, nous essayerons de faire partager à nos lecteurs et au pouvoir municipal, l'émotion profonde qui soulève notre ame à la pensée de voir offrir en exemple à la population lyonnaise, l'homme qui, après avoir lâche- ment déserté ses drapeaux, a, pendant plus de quarante ans, servi dans les rangs de nos plus implacables ennemis ; l'hom- me qui, un pied dans la tombe et torturé par le remords, a pu croire qu'une parcelle de sa fortune, léguée à sa ville natale, effacerait à jamais les flétrissures d'une existence d'aventurier. Et d'abord un mot sur cette existence. La Biograplde universelle, sobre de détails dans l'article consacré au major-général Martin, en dit assez cependant pour justifier notre répulsion, et les faits accablants qu'elle révèle doivent être acceptés pour vrais, puisqu'ils n'ont pas, que nous sachions, été démentis; puisque ceux-là môme qui enrichis par le transfuge, avaient, de par la loi et la morale.