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428 « Quand la saison des fruits se montre complaisante « Au vendangeur heureux de sa charge pesante. « Viens donc dans mon jardin : j'ai pour loi, tout exprès, « Arrangé cet asile où tu prendras le frais. « La serpe, l'autre jour, entre mes mains novices, « M'entama ces deux doigts : vois quelles cicatrices ! « Ce fut quand je taillai ces touffes de lilas « Pour ôter les rameaux qui s'inclinaient trop bas, « Puis je t'ai préparé ce siège de verdure : « Pour ton corps délicat la pierre était trop dure. « Sur les bords d'un ruisseau j'ai pris du sable fin, « Et j'en ai parsemé tout ce petit chemin. « A l'entour j'ai planté les blanches marguerites, « Car je sais que ces fleurs sont tes fleurs favorites. « Afin de t'appeler par un dernier attrait, « Ici j'ai suspendu l'instrument qui te plaît. « D'un vieux musicien je tiens celle guitare « Incrustée avec art de dessins en bois rare. « Mais quoi ! mon tendre amour, mes soins et mon jardin, « Celle que j'aime, hélas ! a tout pris en dédain, « Elle dit que l'amour ne sied pas à mon âge, « Et que tous mes soupirs ne sont qu'enfantillage. « Ingrate, qui reçois avec un ris moqueur « L'amour si bien senti qui me gonfle le cœur! « Va! les temps sont venus d'être aimé dès qu'on aime ; u Et l'amour n'est-il pas, d'ailleurs, enfant lui-même? »