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le mont Ida ; et d'ailleurs ce sommeil peu vraisemblable
est, non pas historique, mais biblique qui plus est : « Porro
Holophernes jacebal in lecto, nimia ebrielate sopitus. » li
était, môme, à ce qu'il paraît, ivre de vin au moins au-
tant que d'amour. Passe donc pour cet étrange sommeil du
général assyrien, qui ne mérita guère le bâton de maré-
chal dans cette affaire, mais qui ne mérita pas non plus
d'être occis pour sa double ivresse. Mais, enfin, il faut bien
le redire encore, ce livre de Judith, qu'il soit authentique ou
apocryphe; qu'il soit écrit par le grand prêtre Joachirn ou
Eliachim, ou par Josué, fils de Josèdec ; qu'il ait été tra-
duit par les Septante, mis dans le canon des juifs, et reconnu
ou non par le concile de Nicée, ce livre ne renferme point
un heureux sujet de tragédie. Celte dissimulation persévé-
rante, cette coquetterie assassine, ce baiser de Juda en trois
actes, sont inadmissibles. D'ailleurs, on a beau dire, et le
talent de l'auteur a beau faire, le scepticisme railleur est
 resté attaché a la veuve de Manassé. C'est, il n'en faut pas
douter, un choix mal inspiré que celui qu'a fait Mrae de
Girardin; mais il est juste aussi de renvoyer une partie de
 la faute à M"° Rachel pour qui le rôle a été écrit. On di-
 rait que l'auteur a voulu mettre en lumière une nouvelle
 face du talent de l'artiste et a écrit en vue de l'actrice, lui
 laissant le soin de s'entendre avec le public en ce qui peut
 être reproché au sujet. Peut-être même ce sujet ingrat l'a-t-il
 tentée comme le fruit défendu, en raison même de l'interdic-
 tion de la critique, et pareequ'il y répondait par une œuvre
 féminine par tous les bouts, qui avait une femme pour au-
 teur, une femme pour héroïne, une femme pour interprète.
    Enfin, que Mme de Girardin ait voulu sacrifier à Rachel
 ou agrandir le domaine littéraire de son sexe en dépit de la
 critique, elle a répandu sur celte histoire de Judith, que les
 Écritures n'ont pas admise sans hésilation, toute la verve