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410 le mont Ida ; et d'ailleurs ce sommeil peu vraisemblable est, non pas historique, mais biblique qui plus est : « Porro Holophernes jacebal in lecto, nimia ebrielate sopitus. » li était, môme, à ce qu'il paraît, ivre de vin au moins au- tant que d'amour. Passe donc pour cet étrange sommeil du général assyrien, qui ne mérita guère le bâton de maré- chal dans cette affaire, mais qui ne mérita pas non plus d'être occis pour sa double ivresse. Mais, enfin, il faut bien le redire encore, ce livre de Judith, qu'il soit authentique ou apocryphe; qu'il soit écrit par le grand prêtre Joachirn ou Eliachim, ou par Josué, fils de Josèdec ; qu'il ait été tra- duit par les Septante, mis dans le canon des juifs, et reconnu ou non par le concile de Nicée, ce livre ne renferme point un heureux sujet de tragédie. Celte dissimulation persévé- rante, cette coquetterie assassine, ce baiser de Juda en trois actes, sont inadmissibles. D'ailleurs, on a beau dire, et le talent de l'auteur a beau faire, le scepticisme railleur est resté attaché a la veuve de Manassé. C'est, il n'en faut pas douter, un choix mal inspiré que celui qu'a fait Mrae de Girardin; mais il est juste aussi de renvoyer une partie de la faute à M"° Rachel pour qui le rôle a été écrit. On di- rait que l'auteur a voulu mettre en lumière une nouvelle face du talent de l'artiste et a écrit en vue de l'actrice, lui laissant le soin de s'entendre avec le public en ce qui peut être reproché au sujet. Peut-être même ce sujet ingrat l'a-t-il tentée comme le fruit défendu, en raison même de l'interdic- tion de la critique, et pareequ'il y répondait par une œuvre féminine par tous les bouts, qui avait une femme pour au- teur, une femme pour héroïne, une femme pour interprète. Enfin, que Mme de Girardin ait voulu sacrifier à Rachel ou agrandir le domaine littéraire de son sexe en dépit de la critique, elle a répandu sur celte histoire de Judith, que les Écritures n'ont pas admise sans hésilation, toute la verve