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40(> pondu, ce semble, à ces critiques qui ne veulent pas être consolés, qui s'en vont disant toujours et partout que la tra- gédie a dit son dernier mot, qu'il ne lui reste plus un lam- beau de pourpre pour se draper à l'antique, qu'il n'y a plus une goutte de poison dans sa vieille coupe ébréchée qu'elle peut jeter désormais comme fil le cynique de son écuelle de bois. Mais quoi donc? au milieu de ces propos décourageants et découragés, au milieu de ces lâches discours ne voilà —t—il pas que l'antique Reine apparaît, et, poussant trois grands cris, se dresse de toute sa hauteur, le diadème et la pâleur au front ! Au moment môme où ils disaient qu'elle avait rendu le dernier soupir, qu'elle était bien morte, cette fois, derrière la coulisse, que le rideau était tombé sur elle comme un linceul, elle parle haut, tout-à -coup, en trois langues ; elle retrouve un frisson de Shakspeare, un accent de Cor- neille, un écho de Racine, les trois grands Dieux ! C'est Agrippine qu'on croyait noyée, qui échappe au naufrage, qui se montre tout-à -coup, toute ruisselante de l'eau de la mer, reine et mère outragée, pleine de douleur et de cour- roux, disant aux naufrageurs surpris qu'elle a nagé vers le bord ! Que disons-nous donc, nous autres, que la tragédie est morte? Honte à nous ! C'est bien plutôt nous qui sommes morts à la tragédie, morts aux grands accents, morts aux grandes passions, morts aux flores paroles ! Renonçons donc, renonçons h celte stérile critique de dé- préciation, qui met tout au rabais, décriant sans cesse, — fa- cile et petite besogne, — les œuvres du présent sous ombre de respect pour le passé. Résistons à cette vieille et triste tendance de l'esprit humain à n'accepter que les gloires tou- tes faites, loules consacrées, à se montrer incrédule, âpre et dur aux gloires militantes. Soyons pleins de haute estime et de profond respect pour les maîtres des anciens jours, dont