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     Us jettent ensuite un coup-d'œil sur la manière dont les mots se forment et
 deviennent d'un usage plus général ; sur la conversation comme premier moyen
 propre à répandre les mots ; sur récriture abécédaire comme le moyen le plus
 efficace d'atteindre ce but, surtout avee le secours de l'imprimerie. Ils consi-
 dèrent ensuite les dictionnaires des origines et des racines comme un moyen
propre à répandre les mots et à eu faciliter l'étude. Maïs ils blâment avec raison
 celie manie des élymologies à perte de vue, telle que celle de Court de Gcb<'l\n
qui, de ba (désignant toute idée relative aux petits enfants) en fait venir bab
(enfant), de là bûclu'i buclielette, bachelier ; de bûche vient bague* etc. « Ne vaut-
il pas mieux, disent-ils, s'attaquer d'emblée à bayne sans s'entortiller dans
tout cet attirail de transformations ? N'allons pas demander aux mots d'où ils
viennent, je vous en prie ; comme les hommes, ils ne pourraient le plus souvent
que mentir sur leur origine, et notre mémoire payerait, pour garder cette con-
jecturale extraction, dix fois le prix de leur valeur d i r e c t e : demandez-leur
uniquement ce qu'ils désignent. Retenez-le bien, et restez-en là. Tout le reste
ne sera jamais qu'un à peu près scientifique. Les mots comme les hommes veu-
lent être connus pour eux, non pas pour leurs ascendants. »
    N'cnl-i!s pas cent fois raison, lorsque, dans leur chapitre sur les mots qu'on
peut tenir pour français, ils déplorent l'envahissement des mots étrangers.
 « Déjà, disent-ils, la science ne peut descendre vers le p e u p l e ; le chemin est
barré par une crasse de barbarismes qui, pour être moulés sur grec et sur
latin, n'en sont pas plus français. »
    Il est remarquable- que, chez nous, chaque objet nouveau, même un joujou
(comme le kaléidoscope) doit être coiffé d'un nom grec. Je crois que l'on pour-
rait, toujours s'en passer, excepté dans la langue chimique, où la langue fran-
çaise se prêterait, difficilement à une aussi longue série de combinaisons diver-
ses. Le marin dénomme, sans le secours du grec, toutes les parties de son
vaisseau, et le tisserand toutes les pièces de son métier à la Jacquard. Dans
leurs jeux, les enfants savent bien trouver des noms, et très expressifs, pour
chaque position du corps } ou pour les instruments dont ils se servent.
    Nous ne pourrions analyser la préface déjà si concise dans laquelle ils expo-
sent le but et le plan de cet excellent travail. Nous sommes forcés de ren-
voyer à l'ouvrage lui-même. Ce dictionnaire, « tout en donnant la connaissance
des lois selon lesquelles se forment le langage, oblige encore à contracte]- la
précieuse habitude dV'mbrasser un objet dans son ensemble, et d'enchaîner
les idées avee ordre et logique, ('/est, dit-on, pour procurer un pareil avan-
tage à la jeunesse, qu'on la met à l'élude des principes du grec et du latin ; si
donc la même utilité résulte au même degré d'une étude mieux raisonnée de la
langue maternelle, pourquoi ne pas l'adopter de préférence ?
                                                                        LORTET.




    I m p o s i t i o n a