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veau livre de M. Charles Didier, la Gampayne de Honte, L'auteur a visité l'I-
talie en savant, en politique, et surtout eu poète.
    Mais ee n'est pas seulement la nature dont M. Charles Didier interroge le
spectacle, c'est encore l'histoire dont il recherche les enseignements sous les
ronces des forets italiques, sur les rivages thyrréniens, où la pensée retrouve
les pas effacés par les vagues ou par le vent. Les OEnolres , les Pélasges, les
Opiques, les Sabelli, les Etrusques, les Ombriens, ces peuplades primitives
qui sont venues se perdre dans le peuple qu'elles avaient elles-mêmes formé;
le voyageur en évoque devant lui les apparitions , sur quelques débris con-
sacrés par l'histoire, ou, si 1rs ruines' ellex-métnes ont péri, à l'endroit même
marqué par la tradition, sous l'ombre du pin, ou sur le sillon solitaire. Ces
divers souvenirs qui animent les paysages cl les horizons de sa Camnaqne de
Rome , et dont M. Charles Didier a fait un usage si heureux, échappent à
toute analyse : comment reproduire ces petits faits curieux, ces couleurs va-
 riées qui forment un ensemble saisissant. Sur le fond de l'Italie ancienne ,
l'écrivain dessine les souvenirs mythologiques, puis , ee sont les fables virgi-
liennes, Enée et les Troyens, Lavinia, celle. Hélène du Latium, dont la mé-
moire vient colorer ces solitudes aujourd'hui si solennelles. A chaque pas, le
 voyageur heurte du pied une pierre do la Moine historique, un témoignage de
sa grandeur ou de sa décadence, un souvenir des Etrusques ou des Snbins , les
 deux peuples qui ont laissé l'empreinte la plus visible sur la cité de Romulus ;
 ou bien il interroge les vestiges des migrations des peuples qui saccagèrent la
 cité des empereurs. Du sommet du mont Àlbanc, on découvre la coupole de
 St-Pierre. Son ombre semble poursuivre le voyageur dans tous les horizons de
 la campagne romaine. INul n'a foulé avec plus d'amour (pie M. Charles Didier
 cette campagne de Rome qu'il a explorée en tous sens, prêtant l'oreille à
 toutes ses voix, Lour-à-tour appréciant le passé, ou conjecturant l'avenir,
 tourné lour-à-tour vers celle mer thyrrenienne près de laquelle l'antiquité se
 plaisait à contempler le soleil déclinant, ou vers les monts de Piperno et de la
  Sabine, sur lesquels Virgile devait souvent épier les premiers rayons de l'aube.
     C'est ainsi que l'auteur mettant en communion la nature et l'histoire , mul-
 tipliant réciproquement la vie de l'une par celle de l'autre , a obtenu des
 tableaux d'un sens profond; car pour qui sait les comprendre, les deux langa-
 ges de l'histoire et de la nature expriment la même vérité !
     Nous avons déjà dit que le livre de M . Charles Didier ne doit pas être
 analysé ; car on ne saurait abréger une peinture dont les beautés liennenl à la
 poésie ou à une philosophie vivante, sans en détruire l'harmonie. L'auteur,
 d'ailleurs, dans l'expression de ses idées et de ses sentiments, ne pouvait suivre
  l'ordre didactique; il lésa distribués selon Tordre myslérieux, mais profon-
  dément logique de l'inspiration quotidienne du voyage, cl les a renfermés dans
  cinq lettres adressées à Litz, à Ste-lîeuve, à Edgard Quinct et à lîéranger.
     La dernière lettre de M. Charles Didier, adressée à liéranger, est exclusive-
  ment politique et philosophique. C'est l'examen de l'institution papale dans
  ses rapports particuliers avec la Péninsule et dans ses rapports généraux avec
  l'humanité. L'auteur résume en quelques mots la longue lutte du principe
  guelfe et du principe gibelin ; il les montre lassés enfin de leur vieille querelle,
  alliés étroitement aujourd'hui dans un commun intérêt : et dans celle alliance
  des deux principes, ou plutôt dans la subordination du principe guelfe au
  principe gibelin, de la tiare à la couronne de l'Empire, il croit découvrir des
  signes de la décadence de celle grande institution religieuse qui fut pendant
  des siècles la patronne des peuples et des intelligences. C'esl, comme on le voit,
  le même point de vue que celui de ]\ï. de Lammenais qui aujourd'hui s'en va
  prophétisant la ruine de cette institution qu'il avait autrefois si \ivemcnl défen-
   due, parce nue, alliée et subordonnée aujourd'hui au pnmnir temporel, elle an-