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85 — Car eu raison de ses longs jours, Il ne peut se venger de lui même, — Diego ne peut dormir la nuit, Ni goûter à aucun mets. Ni lever de terre ses yeux ; Il n'ose pas sortir de sa maison, Ni causer avec ses amis ; Il leur refuse toute parole, Craignant qu'ils ne soient olfensés Par le souflle de son déshonneur. En étant donc à eombaltre Avec ces nobles dégoûts, Eteherchant un expédient Qui ne lui tut pas contraire, Il lit appeler ses fils, Et, sans leur dire mot, Se mil à leur presser une à une Leurs nobles tendres mains7, Non pour y considérer Les lignes ehironiantiques, Car ce superstitieux abus N'était pas encore né en Espagne ; Mais, en dépit de l'âge el îles cheveux blancs, L'honneur prêtant des torées A son sang glacé, à ses veines, A ses nerfs et à ses froides artères, Il leur serra les mains de façon Qu'ils dirent : « Seigneur, assez ! Qu'essaies-tu ? que prétends-tu ? Lâche-nous, que lu nous tues! •» Or, quand il eu vint à Rodrigue, L'espérance du résultat qu'il attendait Etant presque morte, (Mais il la trouve où l'on ne pensait pas), Celui-ci, les yeux rouges de sang, Te! qu'un furieux tigre d'Hircanie, A \ e c beaucoup de fureur et d'audace, Lui dit ces paroles : « Lâche-moi, père, ou malheur à toi ! Lâche donc, à la mal heure ! Il ne te suffirait ni d'être p è r e , Ni de me faire satisfaction en paroles ; Car, avec cette main même, Je t'arracherais les entrailles, Mon doigt se frayant passage En place de poignard ou de dague." Pleurant de joie, le vieillard Dit : « Fils de mon aine, Ton courroux me soulage ; Ton indignation m'agrée. Ces bras, 6 mon Rodrigue, Montre-les pour la vengeance De mon honneur qui est perdu, Si par toi il n'est reconquis et gagné. »