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AUGUSTIN COCHIN 527 vie, à se rappeler comment cette vérité lui est apparue, comment elle lui a rendu l'âme forte, le devoir facile, et pourquoi il l'aime. Il ne poursuit pas les pensées originales ou les démonstrations nouvelles : s'il prouve, par exemple, l'existence de Dieu, il ne craindra point de se rapprocher de Fénelon, sans épuiser d'ailleurs ses preuves, en invoquant seulement celles qui l'ont personnelle- ment frappé davantage, et auxquelles il donne, avec une forme individuelle, le relief de son propre raisonnement. Il semble même se défendre de trop innover sur ce terrain, et de viser à une fécon- dité périlleuse; il lui préfère du moins le naturel, la rectitude et la clarté qui étaient au nombre des meilleurs dons de son intelligence; un esprit faux ne serait pas embarrassé pour avoir beaucoup plus d'idées. Mais les siennes sont toujours justes, fines, loyales, déli- cates, parfois profondes et hardies dans leur pureté, .quoiqu'il redoute les écueils où se perdent les téméraires. On y cueillerait aisément une gerbe de fleurs exquises dont le suave parfum rappelle moins le théologien que le moraliste. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que certains passages de cette anthologie chrétienne, qu'eût enviés Charles Sainte-Foi, ne sont pas très loin de quelques chapitres de l'Imitation de Jésus-Christ, écrits pour les affligés. Peu d'hommes ont eu jamais l'âme plus douce à la souffrance : dans des temps si déchirés et si pleins d'angoisses, il en esta peine deux ou trois qui sachent lui parler une langue plus consolante et plus émue. Lisez, par exemple, ces fragments : « Croix sur les chemins, croix sur les tombes, croix sur les murs, croix sur l'autel, croix sur notre cœur, image de notre con- dition, appui de notre faiblesse, abrégé de notre foi, symbole de nos espérances. « On dit que les églises ne sont pas pleines, ou encore qu'elles ne sont remplies que par les vieilles femmes, les pauvres et les enfants. En effet, les églises ne doivent pas être pleines; ce sont les rues, les champs, les ateliers, les cabinets de travail qui doivent être pleins. Chacun doit passer à l'église un moment, non la vie. Mais elle est la maison de consolation et l'asile des blessés de la vie. Voici le cortège des femmes en deuil, veuves, orphelines, pauvres femmes, pauvres mères, pauvres filles; comme elles ont