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                              BIBLIOGRAPHIE                                      513
de leur temps leur avaient présenté aussileur coupe séduisante, mais empoisonnée.
Ces imprudents l'ont bue, comme toute la Nation, avec avidité. Quelques années
plus tard, la Révolution qu'ils avaient secondée inconsciemment dans ses sinistres
aspirations, les a conduits, pour la plupart, à l'echafaud, et la Société entière
sombrait avec eux dans le plus horrible des naufrages.                 X. X.



     LA BIENHEUREUSE DELPHINE DE SABRAN et les Saints de Provence au
       quatorzième siècle, par la marquise de FORBIN D'OPPÈDE. Ouvrage précédé
       d'une lettre de Mgr l'Archevêque de Sennes. — Paris, E. Pion, 1883. —
       Un beau volume in-8n en caractères elzêviriens. — Prix : 7 fr. 50.

   Voici une vie de saints qui ne ressemble guère à la Légende Borée ou au
Leggendario dé Santi. Mmo la marquise de Forbin d'Oppède a su y réunir
toutes les qualités que nous demandons aujourd'hui à l'historien : critique in-
telligente, connaissance raisounée, non seulement des faits et des personnes,
mais encore, si je puis ainsi parler, du milieu ambiant, mœurs, usages et cou-
 tumes. J'ajoute que l'auteur possède à merveille la généalogie de toutes les
grandes familles provençales auxquelles étaient alliés les saints personnages
 dont elle nous raconte les vertus, et que sa main est habile à démêler les fils
enchevêtrés des événements de ces temps agités et principalement des luttes
incessantes dont l'Italie était le théâtre.
   Gomme le dit fort bien Mgr Place, dans la lettre qu'il a mise en tête du vo-
lume, ce livre sera pour beaucoup une révélation, et jettera sur cette époque, si
 mélangée, une vive lumière. « 11 montrera quelles fortes vertus s'y rencontraient,
mêlées, dans le luxe des grandes existences féodales et dans la licence des cours,
aux abus et aux scandales ; de puissants seigneurs portant le cilice sous la soie
et la haire sous l'armure de bataille, de nobles dames menant dans leurs châ-
 teaux, au milieu de la pompe et de l'appareil de ces temps, une vie digne du
 cloître. »
   Telle fut en effet la vie de Delphine de Signe et de son mari, Elzéarde Sabran,
comte d'Ariano.
   Delphine naquit en 1283, au château de Puy-Michel, de Guillaume de Signe,
qui représentait une des branches formés par l'illustre famille des vicomtes de
Marseille, et de Delphine de Barras. Se trouvant orpheline à sept ans, héritière
de grands biens, elle alla chez les Augustines de Sorps, où elle conçut l'idée de
se faire religieuse. Mais il en avait été décidé autrement. Charles II voulant re-
connaître les services de Hermengaud de Sabran imagina de marier à Delphine
le fils de celui-ci, nommé Elzéar. Malgré les résistances de la jeune fille qui
avait fait, à l'âge de huit ans, le vœu un peu prématuré de garder toute sa vie la
virginité, ils furent fiancés solennellement à Marseille en'présence du roi, de la
reine et de toute la Cour, vers la fin de l'année 1295. Elle avait alors douze ans.
et lui, seulement dix. Quand le roi donna ordre de procéder au mariage, elle
manifesta une opposition encore plus vive : les menaces et les mauvais traite-
ments de ses oncles ne purent la détourner de sa résolution, et pour en triom-
pher, il fallut toute l'habileté de frère Guillaume de Saint-Martial, inquisiteur de
la Foi, en Provence.
   Le soir même des noces, Delphine révèle à son époux le vœu qu'elle avait