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338 LA REVUE LYONNAISE de haillons, de jolies formes et de difformités ; des omnibus, des paniers, des voitures de maître, des camions, des chevaux de tra- vail, des chevaux de luxe, des troupeaux de chèvres promenant le tintement de leurs grelots, des troupeaux de petits ânes pensifs et doux. Dans la griserie de l'œil que donne ce fouillis mouvant et ensoleillé d'êtres et de couleurs, deux images se détachent aussitôt et se fixent pour toujours : la Mauresque voilée, drapée, aux yeux noirs agrandis par le koheul, aux mains jaunies par le henné, glissant, toute blanche, à larges pas rythmés, avec sa grâce farouche de jeune reine sauvage, et le maigre fils du désert bien campé sur sa selle haute, ses bottes rouges dans les étriers profonds, faisant flotter son burnous blanc sur son coursier blanc, escorté du Slouguï, à la tête longue, au flanc large, au ventre évidé. Deux jolis sujets de pendule qu'on est tout étonné devoir vivre.