Revue lyonnaise » n°6 ( 1883 ) » pp.307

                                   FEL1BRIGE                                        307




                       APREDBRl MISTRAL


            A tourna lou tèms di cauco sus l'iero.
            Mai, las ! ounte es Ruth, quand eme Booz
            Fasien qu'uno garbo, uno amo de dos,
            Segaire afouga, lieiris matiniero?


            Ounte, quand dourmien contro la garbiero ?
            Li vaqui jasent dins l'oumbrun dôu cros !
            De toun paure cor, trenco un nouvèu tros
            Me soun dai feroun l'orro meissouniero.


            Plouro, ami, li dos bibliqui vertu ;
            T'an fa ço que sies. — Ièu ploure eme tu,
            Car sabe perèu ço qu'es uno maire.


            Même quand avès voste su tout blanc,
            Pèr trouba soûlas sufis de vous traire
            Sus sa faudo coume un pichot enfant.


                         A F R É D É R I C MISTRAL
   Il est revenu le temps des foulaisons sur l'aire ; mais, hélas ! où est Ruth, quand
avec Booz ils ne faisaient qu'une gerbe, qu'une âme, de deux gerbes, de deux âmes,
le faucheur ardent au travail, la lieuse matinale?
   Où est le temps qu'ils dormaient contre le gerbier ?... Les voilà, gisant dans l'ombre
du tombeau ! De sa faulx sans pitié, elle a tranché encore un morceau de ton pauvre
cœur, l'horrible moissonneuse.
   Pleure, ami, ces deux vertus bibliques. Elles t'ont fait ce que tu es. Moi, je pleure
avec toi, car je sais aussi ce qu'est une mère.
   Même quand vous avez la tète toute blancli", il sn'iit, pour être consolé, de vous
jeter sur son tablier comme un petit enfant.