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244                   LA R E V U E LYONNAISE
et je ne suis pas sans goûter, les impressions qu'apportent une vie
obscure, un travail continu produisant le nécessaire. Que ne puis-
je être moine, soldat, artiste, quesais-je encore? Tous ont des jouis-
sances et des déboires que je voudrais éprouver. »
   M. Bidau, vis-à-vis duquel Guy s'était conduit avec une géné-
rosité si chevaleresque, aurait voulut lui créer une sinécure quel-
conque, généreusement rétribuée, mais il avait dû s'incliner devant
la résolution formelle de mon ami qui entendait gagner en con-
science ce qu'il toucherait.
   Lulleval passait donc régulièrement ses journées dans un bureau
à faire la correspondance et à tenir des écritures. Quand il avait
un moment de répit il s'empressait d'entrer à l'usine pour voir
travailler les ouvriers qui apprécièrent bientôt sa nature franche,
ses manières simples et cordiales. Il s'intéressait à tous les dé-
tails de la fabrication, les suivait attentivement et se les faisait
expliquer par les contre-maîtres. Puis je recevais des lettres où il
n'était traité que de masse vitreuse, de tables de bronze parfaite-
ment horizontales, de dégrossi, de savonnage et de poliment avec
accompagnement de réflexions sur les avantages et les inconvé-
nients de Yétamage ou de Xargenture. Il n'aurait tenu qu'à moi,
au bout de peu de temps, de planter là mes livres et ma copie et
d'aller offrir mes services à Saint-Gobain !
    L'établissement de M. Bidau est situé à environ deux kilomètres
de Saint-A..., où Guy avait préféré s'installer, encore qu'on lui eût
offert un logis à l'usine. Matin et soir il franchissait gaiement cette
distance, et cela lui tenait lieu de promenade.
    Son appartement se composait de deux pièces au premier étage,
et donnait sur un assez beau jardin dépendant de la maison dont
la propriétaire était, et est encore, Dieu merci ! une brave vieille
fille, Mlle Marjolet. Quand il n'allait pas en rêvant errer dans la
campagne, c'est là qu'il passait la soirée à m'écrire ou à refaire
connaissance avec certains vieux auteurs bien négligés pendant sa
vie élégante et qu'il retrouvait comme autant de fidèles amis.
    Guy n'avait reçu qu'une lettre de Laura Reynald. La jeune fille
lui renouvelait tous ses remerciements, lui disait qu'elle n'avait pas
voulu revoir sa sœur, malgré les instances de celle-ci, et finissait
en lui annonçant qu'elle avait trouvé dans la maison meublée une