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208 LA R E V U E LYONNAISE — Ah! noun, se dis entre eu lou mèstre, plagneiriéu pas cinq franc pèr jour, cinq franc pèr jour emai la vido, en quau vourrié tomba mi blad. Mai coume a di,l'aubo se lèvo, plus bello que li jour oubrant, emai que li dimenclie, emai que li grand fèsto. Lis auceloun e li cigalo, e tôuti li bestià ri que vanegon dins la bauco, pulèu que de coustumo, plus viéu que de coustumo, plus gai que de coustumo, coumençon de canta. Veici venitres orne, très omenas gaiard, très meissounié d'elèi : un a la barbo bloundo, un a la barbo blanco, un a la barbo negro. L'aubo lis acoumpagno emé si rai tout à l'entour. — Mèstre, bonjour ! a di lou capoulié. Sian très gavot de la mountagno, que nous an di qu'avias de blad madur, e bravamen ! Se voulès nous douna d'obro, siegue à prefa, siegue en journado- sian eici pèr travaia. — Mi blad soun panca bèn madur, a di lou mèstre : mai pèr acô pamens, noun vous farai desdire; e se voulès que faguenpacbe, vous baie trento sôu emé la vido ; me sèmblo qu'es bèn proun, au tèms que sian. Li meissounié, li très bèu meissounié an touca manemé lou mèstre, e van à la terro coumença. — Ah ! non ! se dit-il en lui-même, je ne reculerais pas devant cinq francs par jour- née, cinq francs et la nourriture pour qui voudrait faucher mes blés. Il dit et l'aube se lève plus belle que les jours de travail, plus belle encore que les dimanches et que les grandes fêtes. Les oiselels et les cigales et toute la gent animale plus vivement, plus tôt, et plus gaiement que de coutume commencent à chanter. Voici venir trois hommes, trois solides gaillards, trois moissoneurs de choix : l'un a la barbe blonde, l'autre la barbe blanche, et le troisième la barbe noire. L'aube qui les accompagne les entoure de ses rayons. — Maître, bonjour ! a dit le chef. NoUs sommes trois gavots de la montagne. On nous a dit que vous aviez de» blés mûrs, et en avant! Si vous voulez nous donner du travail, soit à la tâche, soit à la journée, nous sommes ici pour cela. Mes blés ne sont pas encore bien mûrs a dit le maître : mais qu'à cela ne tienne, j'y consens ; et si vous voulez traiter avec moi, je vous donne trente sous avec la nourriture ; il me semble que c'est bien assez, au temps où nous sommes. Les moissonneurs, les trois beaux moissonneurs ont touché la main au maître et s'en vont à la terre, commencer leur travail.