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                    LA NOBLESSE BOURGEOISE                              119
  gine était pure, mais dont on ne craignit pas bientôt de trafiquer.
  Tandis que les gentilshommes et les gens titrés fumaient leurs
   terres en épousant les filles d'opulents traitants, les riches rotu-
  riers achetaient, à beaux deniers, les charges qui leur conféraient
  des privilèges enviés. Diderot disait dans son style incisif : « Les
  Rois de France guérissent la roture comme les écrouelles. Il en
  reste toujours quelque chose. » Il en restait, en effet, un certain '
  stigmate qui n'échappait point aux regards perçants et dédaigneux
  de la haute aristocratie et de la noblesse d'extraction ; il en restait
  même une certaine humiliation secrète pour la vanité bourgeoise
 qui avait ainsi conquis ses lettres de privilégié, ce dont on s'aperçut
  bien en 1789. Mais la nuance s'effaçait aux yeux du gros public :
  il y avait tant de façons différentes d'arriver à la noblesse qu'il
  était incapable de distinguer entre les nobles, et la bourgeoisie en-
 richie s'était tellement élevée qu'il ne parvenait pas même toujours
  à séparer les nobles des roturiers. La condition des premiers n'était
 plus décelée par la notoriété publique; elle demandait la vérifica-
 tion de pièces du ressort des généalogistes et des tribunaux. On
 pouvait aisément donner le change : les lettres d'anoblissement
 avaient été si souvent révoquées, et les anoblis dépossédés avaient
 été si fréquemment admis à les racheter moyennant finance, en
 prouvant qu'elles n'avaient point été une concession acquise à prix
 d'argent, mais la juste récompence de services rendus ou la re-
 connaissance d'une noblesse antérieure, qu'il était, hormis pour
 les chancelleries et les greffes, fort difficile de savoir si le noble d'ap-
 parence était un noble en réalité. Il y avait eu sans doute des com-
 missions nommées pour la vérification des titres nobiliaires et la
 recherche de faux gentilshommes. On avait bien institué un Armo-
morial général où s'inscrivaient non seulement les familles d'ori-
gine noble ou anoblies, mais encore les familles bourgeoises qui
prétendaient au droit de porter des armoiries non timbrées, droit
très compatible avec la roture ; on avait prescrit, avec la rédaction
d'un catalogue nobiliaire en 1666, des investigations propres à
séparer le bon grain de l'ivraie, et les agents du fisc, chargés de
l'assiette des tailles, ne négligeaient rien, dans l'intérêt des fermiers
qui prenaient à bail la levée des impôts, pour accroître le nombre
des contribuables et, par réciprocité, pour réduire celui desexemp-