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LE ROMAN N A T U R A L I S T E 51
Nous ne voulons ni critiquer ni blâmer les idées politiques de
M. Zola ; mais il nous est bien permis de trouver que guet-apens,
trahison, folie et honte, sont de bien gros mots, puisque, dans ce
qu'on appelle des noms convenus de vertus et de vices, il ne faut
voir que les produits des manifestations humaines naturelles et
instinctives.
Cette indignation et ces expressions de mépris étaient bonnes
pour les républicains idéalistes d'autrefois, mais nos positivistes
modernes qui ne peuvent voir dans l'empire qu'une manifestation
humaine naturelle et instinctive dont l'époque actuelle est une con-
séquence nécessaire et eux-mêmes des produits non moins néces-
saires devraient contempler les événements d'un œil plus serein et
les juger d'un sens plus rassis '.
M. Zola le déterministe, s'indignant ainsi contre les événements,
ressemble à l'enfant qui se met en colère contre le mur qui a heurté
du front ou contre la pierre qui l'a fait tomber. Cette inconsé-
quence vient tout simplement de ce que la logique et la conscience
ont été plus fortes que le système, et c'est ce qui le condamne.
Et ce qui prouve encore le vice de cette psychologie détermi-
niste, c'est que, pour avoir une base à ses observations scienti-
fiques, l'auteur a dû chercher un observateur qui, par une
exception bizarre, échappe à toutes les influences ambiantes.
En effet, pour coordonner les faits constatés, pour en tirer des
conclusions, il faut une intelligence vive qui ne soit pas obscur-
cie par les écarts d'une volonté malade et les entraînements d'ap-
pétits brutaux. De là ce type du docteur Pascal Rougon qui ap-
paraît incidemment dans' quelques-uns des romans et qui doit
conduire celui qui servira de conclusion 2 .
1
Hystérie ou enthousiasme, folie honteuse ou folie sublime, toujours ces diables
de nerfs, dit le docteur Pascal Rougon (Voir la Fortune des liougon). C'est la seule
note permise aux déterministes, et encore manque t-il à la phrase du docteur Rougon
un mot. Dans le système déterministe, il ne saurait, en effet, y avoir ni folies hon-
teuses ni folies sublimes, mais bien des folies dites honteuses et des folies dites
sublimes.
2
Voir notamment la Fortune des Rougon et la Faute de Vabbê Mourct. Dans
ce dernier roman, du reste, cet homme intelligent et fort, au dire de l'auteur, se con-
duit comme un sot. Connaissant les tempéraments de sa famille, il devrait savoir que
l'abbé Mouret ne peut résister à l'étrange traitement qu'il lui fait subir et qui doit
aboutir logiquement au résultat obtenu. Puisque les hommes sont des mécaniques,