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6                         T,A R E V U E    LYONNAISE

terminaison en a et une terminaison e n i : fen«, fuma, femme
bocbi, bûche (je ne fais point ici de rapprochement).
   La terminaison en e muet existe aussi chez nous, mais ce n'est
comme en italien, qu'une simple flexion. Elle s'applique aux pluriels
des noms féminins, qu'ils soient terminés par a ou par i : ina fena,-
une femme ; le fene, les femmes ; ina bardana (parlant par res-
pect), une bardane ; le bardane , les bardanes ; ina dimingt, une
dimanche ; le diminge, les dimanches, Aucun dialecte d'oc ou d'oïl,
à ma connaissance, n'a ce mode de formation du pluriel, sauf ceux
des dialectes voisins qui ne font qu'un avec le lyonnais '.
   De moj ns ignorants que moi diront si je prends mes chausses
pour le moule d'icelles, mais il me semble bien difficile de ne pas
voir dans cette flexion un souvenir du nominatif pluriel de la
première conjugaison latine. Nos trop rares écrivains en patois
ont complètement méconnu cette filiation,si elleexiste,etReverony,
Gutton, Roquille et les autres mettent inperturbablement une s
après e pluriel féminin : le fenes pour le fene. Roquille a inti-
tulé une série de compositions à la Callot Le Ganduaises, sans
s'apercevoir qu'ici l'article était en désaccord avec le substantif et
que, pour être logique, il lui eût fallu écrire les Ganduaises, ce
qui eût été du français ; mais il a été retenu par l'oreille, laquelle
lui faisait bien connaître qu'il fallait dire le pour le féminin pluriel
les, mais ne lui apprenait pas s'il fallait mettre ou non une s au
pluriel de ganduoÀse.\Le malheureux avait, passé par chez l'insti-
tuteur, et, comme bien s'accorde, il a écrit de travers.
   Ce mode de formation n'est pas pour surprendre. Il n'est point
une exception dans les langues romanes. Pour ses pluriels en e
et en i, l'italien a également choisi la forme du nominatif latin :,
corona, corone ; ahno, anm. C'est ce qui l'a dispensé de marquer,
comme nousFrançais, le pluriel par une s. Si, à notre exemple, il
eût choisi l'accusatif latin, la forme du pluriel, après la chute de s,


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    Le Forez, situé entre les pays d'Oc et le Lyonnais, a, suivant les endroits, la
forme lyonnaise en e pour le pluriel, ou la forme en as, comme le vieux provençal.
Et, à ce propos, les félibres me pardonneront si je trouve que c'est encore une
erreur fâcheuse de n'avoir pas conservé leur vieux pluriel en as, et de ne plus faire
aucune distinction entre le pluriel et le singulier. C'est appauvrir une langue, la
rapprocher des langues barbares que d'y supprimer les flexions.