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 370                        DE LA VÉRITÉ.

   mêlé. J'ajoute que l'éducation ne donne pas tout ce qu'elle pro-
   met, et qu'il y a telle éducation qui ôte plus qu'elle ne donne.
      Les notions de conscience préexistent à tous les raisonne-
   ments et leur survivent. Malgré les Pyrrhoniens, nous eroyons à
   l'existence des corps parce que nous les voyons, et à la liberté
   morale parce que nous la sentons. Je définis les notions de
   conscience : une évidence intime qui s'impose à l'âme.
      La conscience est à la fois un contrôle pour notre raison et
   un juge pour nos passions. Il n'y a qu'une conscience en nous,
   seulement elle a deux'fonctions ; par ces deux fonctions, elle
  parait double, mais elle est une, et nous le savons bien, car nous
  ne la trouvons jamais contradictoire. — La coutume et l'édu-
  cation déteignent sur notre conscience ; elles ne la suppriment
  pas, mais elles la perfectionnent ou la faussent.
      On dit que la brute ne fait ni bien ni mal parce qu'elle ignore,
  et que le tigre est innocent. L'homme-tigre n'est jamais inno-
  cent, parce qu'il ne peut ignorer qu'il n'est jamais permis à
  l'homme d'être un tigre.
      Toute vérité de conscience se reconnaît à plusieurs signes :
  elle est évidente pour tous, elle est permanente, elle est uni-
  verselle, elle remonte à l'origine des choses. Ce qui la démontre
 surtout, c'est qu'elle résulte de l'affirmation désintéressée de
 tout homme. Si tout homme peut dire : Je suis spirituel, je suis
 bon, je suis généreux, son affirmation, n'en est pas moins sans
 valeur puisqu'elle est intéressée ; mais s'il dit : Je suis méchant,
je suis injuste, cet ,aveu qu'il fait contre soi tient à une vérité
 de conscience, car quel intérêt a-t-il à cet aveu, sinon d'être
 vrai î Qu'un homme sentant qu'il est libre de faire tel bien ou
 tel mal dans telle circonstance se proclame libre sans intérêt et
 même contre son intérêt, il affirme une vérité de conscience ;
il obéit à un sentiment inné. En somme, je n'ai pas moins le.
 sentiment de ma liberté morale et de ma responsabilité que je
n'ai le sentiment de ma faim et de ma soif: je ne sens pas mieux
l'un que l'autre, et je ne prouve pas mieux l'un que l'autre,
parce que le sentiment est, et ne se démontre pas.
     Les preuves judiciaires, en matière criminelle, sont presque