Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                           BU SURNATUREL.                      44!

qui a inventé une belle machine, éprouvera-t-il plus de peine
à en précipiter ou à en arrêter le jeu, qu'il n'en a eu pour la
fabriquer ? Quoi ! l'êfre souverain qui tient en équilibre, dans
l'espace, les milliers de globes que sa volonté créatrice y a jetés,
serait impuissant à suspendre la chute d'un grave ou le cours
d'un ruisseau ? Quelle idée rétrécie se formerait-on de l'auteur
de toutes choses ? Quand Dieu nourrit le monde chaque année
à l'aide de quelques grains multipliés par la germination, ne
fait-il pas un aussi grand acte de puissance que lorsqu'il nourrit
cinq mille personnes avec cinq pains subitement multipliés entre
les mains d'un thaumaturge ? Pourquoi cependant applique-t-on
le nom de miracle à ce dernier effet, tandis qu'on le refuse au
premier? Saint Augustin répond(1) : «Ce n'est point parce que
nourrir cinq mille personnes avec cinq pains est plus étonnant
que nourrir le monde par la fécondité de la germination, mais
parce que c'est plus rare. L'un est une exception, l'autre est le
cours usité des choses.«Ainsi, la dérogation aux lois de la nature,
n'est point l'effet d'une plus grande puissance de la part de
Dieu, elle n'est que la manifestation extraordinaire de cette
puissance. Mais, si Dieu peut déroger à ses lois, le miracle est
donc possible, et s'il est possible, le surnaturel existe donc en
principe. Nous allons voir qu'il existe en fait.
   Quelle que soit l'époque où vous preniez l'histoire du monde,
vous y trouvez établie la croyance aux opérations extraordinai-
res de la Divinité parmi les hommes, c'est-à-dire au surnaturel.
Que les peuples soient restés fidèles aux traditions primitives,
ou bien qu'ils s'en soient éloignés en les faussant par des fables,
le fait n'en demeure pas moins général et identique. Non, ce
n'est pas seulement sous la tente des patriarches, sur le som-
met fumant du Sinaï et dans les inspirations des prophètes qu'il
est question d'intervention divine, on la rencontre dans les livres
sacrés des nations. Les annales des empires en enregistrent les
exemples ; on les lit sur les murailles des temples de Memphis
et deThèbes, sur les stèles de l'antique Ninive. Les magnificences

  (1) In Joan. tract. 24, n' 1.