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378 DE LA VÉRITÉ pouiiler. de son éducation et de son temps pour recommencer sa vie et reconstituer d'emblée son entendement ? Est-ce que cela se peut? estrce que l'homme peut se transformer en un autre homme, n'être pas de son pays, de son siècle ? Est-ce qu'il peut retourner à ses langes pour recroître seul ? — Descartes a beau être grand, il n'en est pas moins faux dans sa grandeur, en ce sens, au moins, qu'il n'a pas pu tout ce qu'il a voulu pour être vrai. La philosophie d'école est à l'art de connaître ce que la grammaire est à l'art d'écrire ; en effet, que d'excellents gram- mairiens ne sont que de sots écrivains, et que d'assez bons phi- losophes d'école constituent de pauvres penseurs ! La vérité scientifique est le lot de quelques esprits ; la vérité pratique est celui du grand nombre. Pour fonder la vérité prati- que, c'est la masse de l'humanité qu'il faut consulter, car c'est elle seule qui a le droit de parler au nom des faits. Mais, d'autre part, la vérité serait-elle un fruit de l'imagina- tion comme du raisonnement,* et naîtrait-*elle de l'intuition comme de l'expérience ? Y a-t-il des vérités d'intuition, comme il y a des vérités d'expérience et de raisonnement ; et les jeunes grands hommes de génie peuvent-ils être grands autrement que par intuition, par illumination? — Les grands hommes n'ont-ils pas plutôt le caractère de révélateurs que de penseurs? Si la révélation divine est l'une des sources du vrai, elle n'est pas tout le vrai; et Lamennais ne put soutenir que la seule révé- lation contenait tout le vrai, sans supprimer l'esprit humain. La révélation pose les prémisses, mais l'esprit humain tire les conséquences ; on ne peut pas plus ôter à l'homme les consé- quences, qu'à l'esprit divin les principes. VI « Ce qui est vrai en Espagne, dit Mallebrariche, est faux en France ; ce qui est vrai à Paris, /est faux à Rome ; ce qui est certain chez les Jacobins, est incertain chez les Gordeliers ; ce qui est indubitable chez les Gordeliers, semble une erreur chez