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                            DE LA VÉRITÉ.                        373

 fondamentaux attestés par la conscience du genre humain ; car
 du saut dans les ténèbres, au saut dans l'abîme, il n'y a qu'un
 pas.
                               IV

     De même que dans l'ordre physique il n'y a pas de vide,
  dans l'ordre moral tout se tient ; c'est-à-dire que le particulier
  tient au général, comme le général tient au particulier, en sorte
  que tout explique ou dément tout. Or, s'il est impossible de bien
  faire quelque chose que nous ne sachions tout, il ne nous est
  pas moins impossible de tout savoir. Nous sommes donc, quant
  à la vérité pure, dans cette double impossibilité : de tout ignorer
  ou de tout savoir, et notre raison n'obtient que des approxima-
  tions. Ainsi donc, des à peu près, des demi-vérités, tel est le
  lot le plus riche de l'«sprit humain.
     On voit donc que toutes les portions du vrai sont'solidaires.
  Elles le sont si bien que chaque fois qu'une vérité pénètre dans
 noire esprit, elle l'illumine sur plusieurs points de contact restés
 obscurs jusqu'alors : c'est qu'une vérité ne vient jamais seule,
 et que l'erreur elle-même est contagieuse, car toute erreur est
 grosse d'erreurs.
    Il y a des vérités simples à l'infini, et des vérités complexes
 ou composées à l'infini ; il y a le rapport des choses entre elles
 comme il y a le rapport des rapports ; cela est sans fond. — Il y
 a même des vérités d'imagination si puissantes qu'on ne sait
 comment les réputer mensonge. Qui ne s'est dit cent fois qu'il
•est impossible que Paul et Virginie n'aient pas existé, ou que
 Clarisse Harlowe ne soit qu'un roman ?
    L'erreur savante est une erreur compliquée et bien plus dis-
 tante de la vérité que l'erreur simple, car c'est l'erreur qui pro-
 gresse mathématiquement et grossit géométriquement, et dont
 un faux résultat enfante cent faux résultats ; c'est l'erreur de
 l'astronome qui calcule mal les sphères célestes ; c'est l'erreur
 de ceux qui veulent refaire la théologie, la morale, les sciences
 et même l'homme, lequel échappe à l'homme.
    Dans la recherche du vrai, toute solution fait naître de nou-