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REVUE DRAMATIQUE. 205 cien et dans l'emportement et l'ampleur de ses beaux chœurs. L'auteur du Feu du Ciel est coloriste. Il fallait l'être dans un cadre où entre tour à tour la peinture de la mer, du désert et des douces campagnes égyptiennes, où le poète évoque les ruines colossales de Babel, et nous fait assister d'abord aux orgies de Sodome et de Gomorrhe, puis au dé- luge de feu sous lequel les cités coupables s'écroulent et disparaissent. Dans ces données bibliques et, par suite, orientales, le jeune compositeur n'a peut-être pas la cou- leur pittoresque de Félicien David, mais il fait plus grand, plus ample. Les tableaux aimables, le charme de la vie des pasteurs, le sentiment du bien-être où l'on se laisse aller sous la lumière de l'Orient, tout cela lui réussit; mais où je le vois nouveau, original, saisissant, c'est lorsque, avec le poète, il lance le feu céleste sur les villes maudites. Le chœur : La nuée éclate ! est d'un effet étrange et très- puissant. On croit voir, à l'entendre, ce Festin de Baltha- zar de i'anglais Martins, où, sur des escaliers aux degrés ' innombrables, devant des entassements de palais, qui vont se perdant sous un ciel plein d'orage, on voit une foule aux habits de fête se ruer affolée, courir en se tordant les bras, et s'enfuir devant cette colère de Dieu à laquelle on n'échappe pas. Relisez, au reste,'YOrientale magnifique de Victor Hugo. Tout le coloris du poète est passé dans les accents du musicien. Sans suivre pas à pas toute la partition de M. Guimet, ce qui m'entraînerait trop loin, j'en mentionne les pages principales. L'introduction (un peu longue et répétée : c'est le défaut général de l'œuvre) comprend des accords de cuivre de la plus grande beauté, un motif dans la m a - nière orientale, gracieux et mouvementé, et un cantabile large et expressif. Dès ce morceau s'accuse la tendance dramatique du compositeur. Le chœur de début, plein de détails remarquables : La voyez vous passer, la nuée aux flancs noirs ? marque ensuite, dans la façon aisée et