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DE LA VÉBITÉ. 369 notion naturelle. N'en discutons donc plus ; l'homme est rai- sonnable, ou du moins, capable de raison ; mais qu'il soit modeste 1 Les vérités auxquelles il prétend sont grandes, et sa raison est petite. La recherche du vrai nous est laborieuse : on ne devine pas la vérité, on la trouve, et ce n'est qu'en cherchant bien qu'on la trouve. La vérité a ses fantômes, ses fictions, et tout ce qui tient lieu d'elle et n'est pas elle. On dit à tort que la discussion ne mène à rien et qu'elle ne profite à personne. Selon moi, toute discussion profite : s'il est vrai qu'elle ne produit pas la soumission de l'un des contra- dicteurs à l'autre, elle opère au moins sa conviction, cela est immense ; car si l'on ne proclame pas une vérité que l'adver- saire inflige en quelque sorte, on s'empare pourtant de cette vérité pour son profit personnel, et pour prendre sa revanche à la première rencontre. C'est qu'en effet, celui qui a tort le sent, quoi qu'il s'en taise ; que, ce que son orgueil repousse, sa conscience l'accueille ; et que le battu d'hier ne manquera pas, demain, dans une discussion pareille contre un autre con- tradicteur, de le battre par le même argument qui l'a vaincu lui-même ; j'en appelle à l'expérience. II est des temps où tout homme qui ose être vrai en politique, en religion, en morale, est hué et même livré aux bêtes ; mais quand Fontenelle écrivit que, s'il avait la main pleine de vérités, il ne daignerait pas l'ouvrir, il montra toute la différence qu'il y a entre un philosophe et un honnête homme. H ' • Toutes les notions nécessaires pour la pratique de la vie sont dans la conscience des hommes ; cela est si vrai, que les for- mules philosophiques les plus transcendantes, si on les dé- pouille de leur jargon, aboutissent à quelques banalités popu- laires. Je ne dis pas que l'homme nait avec la possession de tout ce qu'il doit savoir, mais qu'il a le germe de tout ce qu'il lui " eBt bon de savoir, et que ce qu'il y joint artificiellement est fort 24