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NOUVELLE DAUPHINOISE. 235 les ramiers roucoulent, en se penchant sur les toits que dore le soleil; les'petits oiseaux se poursuivent de bran- ches en branches ; toute la nature est dans l'ivresse , fai- sant contraste, la cruelle! avec une scène d'une inexpri- mable mélancolie, Quel est ce convoi qui passe dans les rues du bourg de C... ? Il est suivi d'une foule nombreuse et sympathique. C'est le cercueil de la mère Jeanne que l'on porte; elle n'a , pu survivre à la perte de son fils. Le père François, la tête basse, le dos courbé, est derrière le drap noir, ayant à côté de lui un soldat manchot que vous reconnaissez parfaite- ment. La vue de ces deux infortunes fait mal, et plus d'un gars serre les poings, en regardant ces victimes d'une guerre désastreuse. Pauvre mère Jeanne! on l'a placée, au cimetière, à côté de la douce amie de Julien, de la charmante Marguerite, et toutes deux sont mortes à force de dévoûment et d'a- mour ! Depuis leur départ pour le ciel, le vieux soldat François est d'une tristesse dont rien n'approche ; il ne parle plus de ses campagnes d'Afrique, ce qui est le dernier mot de l'amertume de son affliction. Seulement, il paraît sortir de sa torpeur, en recevant les visites du jeune infirme Victor, l'ami et le messager de Julien, qu'il protège très-affec- tueusement, et qu'il a institué son héritier. Souvent, il lui répète ces mots, en tremblant de tout son corps : — N'est-ce pas qu'il était ardent à la bataille? N'est-ce pas qu'il était superbe à voir?... — Oui certes, père, dit Victor, je m'en souviendrai toujours !... — Tu es un brave garçon, et je, t'aime. Puis, le vieux François retombe dans son état de som- nolence douloureuse. J'ai oublié de dire qu'après la cérémonie funèbre de Jeanne, les jeunes gens du village entourèrent le mobile manchot et l'ancien soldat d'Algérie. Tous, comme au dé-