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                   NOUVELLE DAUPHINOISE.                 227

sage semblait sourire en rêvant ; ses cheveux d'or étaient
répandus sur ses épaules, comme des rayons de soleil;
ses longues paupières paraissaient voiler ses yeux bleus
pour un sommeil qui aurait dû avoir un réveil terrestre ;
ses lèvres violettes étaient un peu entr'ouvertes, comme
si elle eût voulu exprimer un dernier adieu à quelqu'un...
    — C'est une jeune martyre de l'amour filial, disait-on,
et l'on contemplait, à genoux, cette douce figure plus
suave que jamais, sous le rayonnement que lui donnait sa
mort touchante. Les jeunes filles émues, devenues sérieu-
ses dans la grâce de leurs printemps, devant la couche
funèbre de leur intéressante compagne, voulurent baiser
ses cheveux blonds, sa simple couronne, sa robe blanche.
Les mères s'associèrent à ces marques si sincères de regret
et de douleur : N'était-elle pas morte pour sa m è r e ? . . .
    Il y avait de nobles coeurs, — car il y en a partout, —
qui se disaient : — Pauvre Marguerite! Julien ne la re-
verra pas à son retour au paysl...
    On plaignait le beau et fier jeune homme qui perdait
 une telle fiancée : — Lorsqu'il reviendra, après avoir bien
 souffert, il lui faudra souffrir encore davantage dans son
 amour!... Celle qui en était le digne objet est perdue à
jamais pour lui! — Ah 1 Julien, vous ne verrez plus ces
 yeux bleus que vous adoriez ; vous ne toucherez plus ces
 cheveux dorés qui avaient enlacé votre cœur, mais moins
 encore que tant de qualités ineffables ! Julien, vous n'êtes
 point là pour lui donner le dernier baiser, pour lui dire le
 mot suprême, ce mot qui devrait réveiller les morts, qui
 devrait redonner des battements au cœur d'un cadavre, ce
 mot divin qui résonne dans toutes les langues : — Je
 t'aime! — J u l i e n ! même au prix du douloureux bonheur,
  si je puis m'exprimer ainsi, de la triste consolation de
 -revoir votre jeune amante sur le lit que lui a dressé la
  mort, vous ne voudriez pas quitter cette autre noble aman-
  te qu'on appelle la patrie, vous ne consentiriez pas à dé-
  serter le poste de l'honneur et du "dévouaient militaire