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222                      VIVE LA FRANCE!

jaunes comme des cadavres ; sans compter que nous ren-
contrions à chaque pas, ces chiens d'Arabes en embuscade
qui, de leurs montagnes, tombaient sur nous comme des
 avalanches. Aussi, nous nous battions en lions enragés :
il fallait voirl—Mais ce qui me plait, c'est que Julien aussi
 n'aime rien tant que la vie de soldat ; il nous le dit, dans sa
 dernière lettre. A h ! il a mon sang dans les veines, et je
 suis fier de cet enfant ! Mais c'est égal, je donnerais tout ce
 que je possède pour l'embrasser bientôt, ajouta le vieil-
 lard, en tourmentant, comme d'habitude, sa longue mous-
 tache grise.
   — J'irai demain à Montélimar, continua-t-il, afin de
porter une dépêche, que l'on enverra aux Pigeons-Voya-
 geurs ; nous verrons si cela lui parviendra. Marguerite a
écrit bien des fois et moi de même, sans qu'il ait reçu une
 seule de nos lettres.
   — Ah ! mon pauvre Julien ! comme il doit languir, dit
Jeanne, il est si bon et il nous aime tant !
   Ainsi se passaient toutes les soirées à la maisonnette de
Marthe. Mais ce fut bien pire lorsqu'on apprit le bombar-
dement de Paris. Les barbares ne craignaient par de lan-
cer leurs obus sur cette splendide cité, qui appartient d'a-
bord à la France, dont elle est l'orgueil, puis à l'univers
entier, qui l'admire. — « C'était plus qu'un crime, c'était
une faute. » — Comme disait Talleyrand ; c'était une tache
qui restera indélébile sur le front des soudards assez
téméraires pour profaner l'antique Lutèce.
   Quelle nouvelle sinistre ! quelle épouvantable catastro-
phe ! A toutes les douleurs du patriotisme se joignirent les
déchirements personnels. Les pauvres mères, les parents,
les amis les fiancées qui avaient, là-haut un des leurs,
croyaient entendre, à toute minute, le ïetentissement des
engins de M. de Moltke, et ils en recevaient le contre-coup.
   —' Où est donc Julien, à cette h e u r e ? . . . Puissent les
boulets le respecter ! . . . Ah I cette pluie de feu ! si elle allait
tomber sur lui ! . . .