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NOUVELLE DAUPHINOISE. 231 décembre, il faisait un froid à épouvanter même les loups; on se serrait autour de la vieille cheminée de pierre grise, où la flamme pétillait dans un feu joyeux. — Mère, dit tout à coup Marguerite, cette chaleur me fait mal•-,la vue de ce foyer me déchire le cœur; je vou- drais être dehors, à recevoir la neige sur mes épaules, ou à mourir sur sur la glace ! . . . — Pourquoi donc avoir de semblables idées ? . . . — 0 mère, c'est qu'il doit endurer un froid si violent, lui!... tandis que je suis là installée bien chaudement!... il me semble que c'est mal de ma part, que c'est d'une âme égoïste, et je souffre ! . . . La pauvre enfant, penchant la tête sur les genoux de l'infirme, se mit à pleurer avec amertume. — Marguerite, sèche vite tes yeux : voici la mère Jeanne: elle a bien assez de son chagrin, sans voir le nôtre; souris- lui donc, embrasse-la ! — Ai. ! mes voisines, je n'y tiens plus ! penser que mon enfant couche dehors par un temps pareil J Oh ! cela me torture ! Malédiction à ses boureaux ! Sans compter qu'on me le tuera ! . . . Ah ! Julien, je ne le reverrai plus ! Comme il tarde de nous écrire ! — Mère Jeanne, ce n'est pas sa faute ; vous savez bien que chaque fois qu'il peut nous adresser une lettre, il le fait, dit la bonne Marthe, mais les difficultés des trans- ports, songez-y ! — Est-ce que je puis songer à quelque chose, sinon qu'ils m'ont pris mon enfant, eux, les Prussiens ? car je n'accuse pas nos Français, j'aime mon pays, et malgré mon désespoir, je sais qu'il fallait des bras pour le défen- dre. . . Mais quel sacrifice I . . . Encore, si j'étais sûre de e revoir ! . . . — Femme, ne t'inquiète pas ainsi, dit le père François, qui venait d'entrer ; en Afrique, j'ai échappé à bien d'au- tres dangers, vraiment ! et si nous n'avions pas cet hive-f excessivement rude, les fièvres d'alors nous rendaient