Revue du Lyonnais » série 1 - n°4 ( 1836 ) » pp.495

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de ses prunelles , de sa barbe ondoyante ; e t , sans rien com-
prendre pas plus à l'italien Allieri qu'à notre Racine , elle
écoutait en silence et demeurait sous le prestige.
   Pour m o i , j'étais fasciné. Cet homme me semblait un Dieu.
Il me révélait une poésie e n t i è r e , un monde musical. Le
vent des Feuilles d'Automne, que je tenais à la m a i n , avait
soulevé dans mon esprit les formes multiples et vagabondes
des âges é t e i n t s , ébranlé en moi mille cordes e n d o r m i e s ,
mille voix bourdonnantes qui répondaient au violoncelle d a
rapsode , plus fécond , plus puissant en électricités cérébra-
les que le violon de Paganini.
   Je me représentais les antiques rapsodes , avec la baguette
de laurier, racontant aux peuplades de l'Hellénie les merveil-
les chantées par Homère ; puis les Arabes, troubadours voya-
geurs, apportant à l'Espagneles romances chevaleresques de la
Mauritanie , avec leurs brillantes mosaïques d'architecture en
rosaces, bigarrées comme leurs mœurs ; puis dans Rome ,
les tribuns qui, du sein du forum immense , soufflaient dans
la géante cité de Romulus ces vertus patriotiques et barbares
qui en ont fait la maîtresse de l'univers, en appelant le peu-
ple aux armes au cri naissant de liberté, répété plus tard par
les échos des Deux- Mondes ; puis enfin , en Italie , ces i m -
provisateurs qui couraient sur les p l a c e s , haranguant les
gondotlieri, et leur apprenant les douces strophes du Tasse,
que ceux-ci redisaient aux vagues de la mer , aux brises des
 lagunes.
   Parmi eux , rayonne le nom de Rienzi, Rienzi, ce théosophe
h a r d i , dont la voix ébranla sur leur trône les successeurs du
Christ. 0 temps miraculeux ,, où le tribun parlait au peuple
face à face , en plein ai*, sous le portique du capitole , le Pan-
théon du paganisme, à l'ombre colossale de St-Pierre , la
métropole des nations chrétiennes ! Que les mots de Dieu et
de liberté devaient être sonores dans cette a t m o s p h è r e , avec
le ciel pour dôme , le Tibre ou la m e r pour amphithéâtre ,
devant une multitude bouillonnante d'enthousiasme et de