page suivante »
110 encouragements distribués par l'état. On entretient à grands frais une académie française à R o m e , mais où sont ses r é - sultats? Je pourrais citer peu d'exceptions en sa faveur, tan- disque la liste des spécialités vraiment remarquables n'offre presque point de pensionnaires de l'école. D'un autre coté, si l'esprit de système, qui domine les écoles, ralentit, selon s e n s , l'essor et coupe enfin les aîles de nos jeunes aigles, on peut mettre aussi sur le compte du mercantilisme, le sen- timent d'inanité, de puérilité, d'insuffisance morale que res- pirent nos œuvres d'art. Dès l'instant où le néophite a r e - gardé son art comme un métier, on peut lui prédire une fin malheureuse. L'enthousiasme, la passion, s e u l s , créeront de grands génies, et ce n'est pas en spéculant sur la bassesse des goûts contemporains qu'on peut s'élever plus haut que le vulgaire. On p e u t , il est v r a i , se soutenir quelque temps par l'adresse ou l'esprit: mais il y a loin du savoir au savoir faire; en un m o t , il n'y a de succès durables que pour le sentiment. Les vrais artistes me comprendront sans peine. C'est aussi par des œuvres profondément senties et patiem- ment élaborées ( p e u importe, du r e s t e , le plus ou moins de rapidité dans l'exécution matérielle ) que l'on parviendra à communiquer aux masses l'instinct et le goût du beau. Prodi- guez leur les bons modèles , et expliquez-leur en quoi con- siste la supériorité constante. Surtout, ne perdez pas patience trop tôt, car l'œuvre serait à refaire. S i , après de semblables épreuves, vous ne voyez pas renaître le goût des arts et leur saine appréciation, alors plaignez-vous et criez malheur. Alors vous pourrez faire des tableaux pour vendre; ou bien de la peinture pour votre satisfaction personnelle, si vous êtes riche. Alors vous aurez le droit de crier sus à l'épicier; mais alors seulement. Pour m o i , je pense que ces temps ne sauraient advenir. Car le prosaïsme et l'égoïsme sont rudement battus en b r è c h e , et la poésie se débat avec bonheur au milieu de nos infamies politiques. D'ailleurs Dieu ne veut pas lais-