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78 Les nœuds sont éternels, rien ne peut les briser; Et, loin de s'affaiblir à l'ombre du mystère, Je sens que chaque jour ma chaîne se resserre, Au charme de son doux baiser. Sous ces rameaux légers que le zéphir balance , Dans un harmonieux silence , Tout entier à l'amour je puis me recueillir ! Mon cœur, enivré d'espérance, Au devant du bonheur s'élance.... L'heure sonne!... elle va venir!! Taisons-nous!... écoutons: car sa marche est légère : Le gazon est à peine effleuré sous ses pas; Et lorsqu'à travers la bruyère, Aimable et douce fée, elle accourt dans mes bras, Si, guidé par l'amour dont il ressent l'ivresse, Mon cœur la devine sans cesse , Bien souvent je ne l'entends pas. Mais silence !... écoutons : par un caprice étrange Digne d'elle, digne d'un ange! Elle pourrait, peut-être , au lieu du rendez-vous, Feindre d'avoir, ce soir , devancé ma présence ; Et puis, pour me punir de mon indifférence, S'armant d'un aimable courroux, Me forcer, mille fois, pour calmer sa vengeance, De demander grâce à genoux. Elle viendra!.. — craignons de nous laisser surprendre!... Mais quoi! le temps s'envole, et je l'attends en vain ! Ah ! d'un secret effroi je ne puis me défendre ; Une terreur subite a passé dans mon sein.... Aux champs tout est muet, et sur l'airain sonore La dixième heure a retenti, Par un sommeil profond tout est appesanti , Qui peut la retenir encore? Dieu! serait-ce sa mère? un funeste hasard Aurait-il révélé le secret de son ame?... Ou ce matin , moi-même, ai-je par un regard Devant elle trahi ma flamme?