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aille trouver la montagne. Oui, j'aurai dans quinze jours le
plaisir de vous embrasser et de vous renouveler l'assurance
de tous les sentiments d'admiration que vous m'inspirez. Je
compte être à Genève au plus tard le 10 du mois prochain,
et y passer le. reste du mois. Je vous y porterai les vœux de
tous vos compatriotes et leur regret de vous voir si éloigné
d'eux. Je m'arrête ici quelques jours pour y voir un très-petit
nombre d'amis qui veulent bien me montrer ce qu'il y a de
plus remarquable dans la ville, et surtout ce qu'il peut être
utile de connaître pour le bien de notre Encyclopédie. Je me
refuse à toute société, parce que je pense avec Montaigne (1)
« que d'aller de maison en maison faire montre de son caquet,
c'est un métier très-messéant à un homme d'honneur. > Nous
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avons ici une comédie détestable et d'excellente musique
italienne médiocrement exécutée. Le bruit a couru ici que
vous deviez venir entendre M"« Clairon, dans la nouvelle
salle, et voir jouer ce rôle d'Idamé qui a fait tourner la tête
atout Paris. Je craignois que vous ne vinssiez à Lyon pen-
dant que j'irois à Genève ; mais on me rassure en m'appre-
nant que vous restez à Genève. La nouvelle salle est très-belle
et digne de Soufllot qui l'a fait construire (2). C'est la pre*
(1) Dalembert citait de mémoire; voici les propres expressions de Mon-
taigne : « . . . . Car de servir de spectacle aux grands, et faire â l'envy parade
« de son esprit et de son caquet, je treuve que c'est mestier très raesseantà un
« homme d'honneur». Essais, liv. 1TI, ch. 8, tome IV, page 412, de l'édi-
tion de J. V. Leclerc.
(.2) Cette salle fut inaugurée et ouverte le 50 août, pendant le séjour de Da-
lembert ; Mlle Clairon joue le rôle d'Agrippine dansBritanniciis; le lendemain ,
Idamé dans l'Orphelin de la Chine. Le théâtre de Soufllot a été démoli en
1829 ; le nouveau théâtre, construit sur le même emplacement par MM. Che-
navard et Pollet, a été ouvert au public le 1 e r juillet 1851 ; on y fit lecture
d'un prologue en vers, composé par M. Servan de Sugny; on donna ensuite
l'opéra de la Dame Blanche ; le spectacle fut terminé par l'hymne de la Mar-
seillaise. Voyez les Archives du Rhône, tome XIII, page 457, et tome XIV,
page 186.